L’or, noir hier, vert demain !
Il est loin le temps où les réunions de l’Opep à Vienne tenaient en haleine les marchés internationaux pendant des heures voire des jours, dans l’attente d’une hypothétique "fumée blanche" à l’image de celle du Vatican, synonyme d’accord entre l’Arabie Saoudite et ses collègues producteurs, et donc d’une perspective de détente sur le front des cours du brut.
Pour des pays comme la France, dépourvue comme chacun sait de pétrole, les décisions de l’Opep agissaient comme autant d’épouvantails pour l’économie, l’industrie et… le portefeuille de l’automobiliste. "L’Opep fera la pluie et le beau temps sur le marché de l’or noir et marquera pour toujours l’histoire de l’économie mondiale", soulignait en début de semaine le quotidien Les Echos (1). Signe de son poids croissant sur l’échiquier mondial, l’Organisation sera même la cible au milieu des années 70 du terroriste Carlos, qui prendra en otage 70 personnes au siège à Vienne, au nom de la défense de la cause palestinienne.
Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. L’Opep contrôle, certes, encore 40 % de la production de pétrole mondiale, mais l’or noir a perdu des couleurs. Le baril a abandonné près de 40 % de sa valeur depuis le début de l’année (avec une moyenne de 40 dollars) et ne tutoiera sans doute plus jamais ses plus hauts historiques des années 2008-2009 (plus de 145 dollars/baril). Car le déclin du pétrole, tant de fois annoncé sans qu’il se concrétise véritablement, est peut-être bel et bien à notre porte. C’est même une major pétrolière, la britannique BP (dont le logo est devenu vert dès 1947 !), qui le dit haut et fort par la voix de son nouveau PDG, lequel embarque depuis quelques mois la vénérable ex-Anglo-Persian Oil Company dans une douloureuse révolution verte.
La décroissance du pétrole semble inexorable et la demande d’hydrocarbures ne retrouvera jamais son niveau d’avant-crise de la Covid-19, affirme Bernard Looney, prédisant même une chute drastique de la consommation mondiale d’ici le milieu du siècle de près de 80 %. Face à ce scénario quasi apocalyptique, les pétroliers font contre mauvaise fortune bon cœur et prennent le train des renouvelables. "Total met les gaz dans les renouvelables", explique le magazine Challenges, rappelant qu’en trois mois cette année, le pétrolier a "bouclé dans les énergies vertes quasiment autant de deals que durant toute l’année 2019", avec Global Wind Power, un projet de stockage par batteries à Dunkerque ou encore l’entrée dans trois projets éoliens offshore en Corée du Sud et au Royaume-Uni. Les pétroliers qui se transforment peu à peu en électriciens – ou explorent l’univers très prometteur de ce qu’il est convenu d’appeler les énergies renouvelables. Que d’idées pour les prochaines aventures de "Tintin au pays de l’or vert" !
L’Arval Mobility Observatory
(1). « La folle épopée de l’Opep ». Les Echos. 14 septembre 2020
(2). « Total met les gaz dans les renouvelables ». Challenges. 10 septembre 2020