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Le "grand écart" des transports en commun

Publié le 25 septembre 2019

Par Damien Chalon
4 min de lecture
Zoom de l’Arval Mobility Observatory - La perspective d'une grève illimitée à la RATP ravive le souvenir des mouvements de 1995. Mais à l'heure des solutions de mobilité alternatives et du télétravail, l'impact sera-t-il aussi fort qu'à l'époque?

 

Ainsi la RATP nous promet un mois de décembre « noir », avec un appel à la grève illimitée à compter du 5 décembre au nom de la défense par ses collaborateurs de leur régime spécial de retraite. Le mouvement social du 13 septembre n’était donc qu’une « mise en bouche ». Résultat : le souvenir des trois semaines de galère de décembre 1995 (déjà au nom de la défense du régime de retraite) se rappelle brutalement au souvenir de tous ceux qui travaillaient déjà à l’époque, et dont le quotidien s’était transformé en cauchemar.

 

Mais comme l’histoire ne se répète pas, le chaos attendu en 2019 ne sera peut-être pas au rendez-vous. Il y a un quart de siècle, l’opinion publique soutenait le mouvement social de la RATP ; pas sûr qu’aujourd’hui il en aille de même. En 25 ans, les moyens de déplacements se sont diversifiés. Mais surtout, les modes de travail ont considérablement évolué. Qui « télétravaillait » en 1995 ? Combien d’entreprises avaient recours à la visio-conférence (pourtant présentée en avant-première aux expositions universelles de Bruxelles de 1958 et Montréal de 1967) ? Et en 1995, les RTT n’existaient pas (elles ont vu le jour en 2000).

 

Aujourd’hui le télétravail est promu dans l’entreprise au nom d’une meilleure conciliation vie privée-vie professionnelle et d’une optimisation des coûts exorbitants de l’immobilier d’entreprise. Et les salariés le plébiscitent : 29 % d’entre eux y ont désormais recours en France (avec en moyenne 7 jours télétravaillés par mois), selon une étude de Malakoff Médéric Humanis publiée en février dernier. Parmi eux, la moitié a opté pour cette solution pour… réduire leurs temps de trajets.

 

Depuis la crise de 2008, dans un souci d’optimisation des coûts et de l’environnement, les systèmes de visio-conférences se sont multipliés et ont permis de bien réduire les courts trajets en trains et en avions. La province monte moins à Paris et la capitale descend moins en régions... Pour autant, il n’y a pas moins d’activité et de projets, et les entreprises continuent de se développer.

 

La RATP, elle-même, comme sa cousine SNCF, opère une mue sans précédent. L’ouverture à la concurrence des lignes de bus, ce sera pour 2025, des lignes de tramways pour 2029 et des métros et RER pour 2039.

 

La Régie parisienne prend aussi avec agilité le train des nouvelles mobilités, via sa filiale RATP Capital Innovation. Depuis 2017, ce fonds d’investissements met de l’argent dans des start-up qui créent des solutions de déplacement permettant (pour certaines d’entre elles) de se passer du métro et du RER !

 

D’ailleurs le 13 septembre, la RATP ne se privait pas d’informer ses malheureux usagers, qui n’avaient pas pu prendre de RTT ou qui n’étaient pas en télétravail, sur les solutions alternatives au métro (réductions sur locations de vélos ou de scooters électriques, trajets gratuits en covoiturage, remises sur les parkings). Un joli jeu d’équilibrisme !

 

Le projet de loi sur les nouvelles mobilités, la LOM qui, c’est vrai, joue l’Arlésienne depuis plusieurs mois, va bien finir par être adopté et promulgué. Avec cette loi, ce sont plusieurs mesures favorables aux déplacements alternatifs qui pourront, à terme, être mis à la disposition des citoyens et des salariés. Et leur faciliter la vie.

 

Certes, on ne peut pas dire, comme un ancien président de la République, « quand il y a une grève, personne ne s’en aperçoit ». Les grandes réflexions en cours autour de la place de l’automobile, l’émergence de nouvelles solutions de travail et de déplacements, au nom de la lutte contre la pollution aux particules fines (au passage, très élevées dans les rames et enceintes du métro et du RER) et le réchauffement climatique, sont autant d’opportunités à saisir pour mettre progressivement fin à des totems qui n’ont plus lieu d’être au XXIème siècle.

 

A la fin, parce qu’ils sont encore au cœur de la mobilité, les transports représentent toujours un moyen de pression majeur dans les négociations sociales. Pour combien de temps encore ?

L’Arval Mobility Observatory

 

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