La route connectée peut-elle sauver des vies ?
On peut toujours dire que c’est la faute aux gilets jaunes qui ont dégradé les radars… Néanmoins, force est de constater que la limitation à 80 km/h ne donne pas les résultats escomptés et que les statistiques sur la mortalité routière font apparaître depuis plusieurs mois maintenant, une augmentation du nombre de tués en particulier chez les cyclistes, les cyclomotoristes et les piétons, principalement pour d’autres motifs que la vitesse.
Force est aussi de constater que la communication mobile pourrait sauver le plus de vies à l’avenir. L’heure est venue de passer au V2X (vehicle-to-everything), autrement dit à la communication entre la voiture et tout son environnement. Depuis des années, constructeurs et équipementiers testent cette forme de communication pour prévenir en temps réel accidents, bouchons et autres incidents qui pourraient affecter la conduite. Pour accompagner le déploiement, ceci suppose l’installation d’unités en bord de route sur les principaux axes et l’intégration d’une puce dans les voitures.
Un acteur comme Volkswagen a d’ores et déjà pris le virage. A ce stade, il s’agit de communiquer via un standard proche du Wi-Fi sur la bande de fréquence 5,9 Ghz. Baptisé ITS G5, c’est le standard que pousse la Commission Européenne (le Parlement européen vient de ratifier par 304 voix contre 207 son projet de règles l’instituant comme standard de référence des futures voitures autonomes).Bruxelles souhaite en effet concrétiser la mobilité connectée, qui est prévue dans le cadre d’une directive adoptée en 2010 (1). Ce vote du Parlement n’est encore qu’une étape puisqu’il reste encore à entendre l'avis du Conseil Européen des États membres.
La circulation automobile fait environ 25 000 morts et 135 000 blessés chaque année dans l'Union européenne. La Commission souhaite baisser de moitié ces deux chiffres d'ici 2030 dans le cadre d'un objectif à long terme baptisé "Vision zéro" visant à pratiquement éradiquer les accidents de la route d'ici 2050.
Mais le choix technologique du Wi-Fi ne plaît pas à tout le monde, y compris parmi les constructeurs. Certains comme BMW, Daimler, Ford et PSA préfèrent la 5G, qui est jugée plus performante. C’est aussi le standard qui a été retenu par la Chine. Du coup, le débat sur les deux normes envisagées pour devenir le standard en Europe en matière de connexion des véhicules autonomes fait rage entre les deux camps, et mobilise nombre de lobbyistes.
Le fait est que les voitures vont toutes devenir connectées et qu’on peut envisager des gains en sécurité et même en économies de carburant (grâce aux feux connectés, qui renseigneront quand ils passent au rouge et au vert). C’est ensuite une question de volonté politique.
Et la France dans tout cela ? Dans une espèce d’indifférence générale, des expérimentations ont eu lieu : il s’agit du projet SCORE@F (Système COopératif Routier Français, un système de communications pour des routes et des infrastructures intelligentes) entre 2011 et 2013, ou encore du projet SCOOP@F entre 2014 et 2018. Dans ce cadre, cinq zones-tests (Bordeaux, Bretagne, corridor Est, Ile-de-France, Isère) ont fait l’objet d’aménagements avec des balises et des véhicules équipés par PSA et Renault. Cet embryon de réseau a ses équivalents en Angleterre, en Belgique, aux Pays, en Allemagne et en Autriche.
Bizarrement, ce thème de la route connectée est relayé par le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, mais pas par la Sécurité Routière qui dépend du Ministère de l’Intérieur. Au passage, on remarquera aussi que la Sécurité Routière n’a pas spécialement fait non plus de promotion de l’appel d’urgence localisé (e-call) en cas d’accident qui est pourtant obligatoire pour les nouveaux véhicules depuis avril 2018. Manifestement cette administration a décidé de se concentrer sur un seul message pour être mieux entendue. Mais est-ce encore le bon ?
L’Observatoire du Véhicule d’Entreprise