La bombe à retardement du WLTP
Depuis des mois, elle occupe l’esprit de tous les professionnels de l’automobile. Constructeurs, concessionnaires, loueurs longue durée n’ont qu’elle en ligne de mire. Elle conditionne l’ensemble de leurs investissements et de leurs décisions stratégiques. Elle, c’est la nouvelle norme d’homologation des véhicules WLTP. Un chantier gigantesque, échafaudé par la Commission européenne, et qui s’est accéléré depuis trois ans avec le Dieselgate et l’affaire des logiciels truqués du groupe VW.
Sur le papier, la réforme de l’homologation des véhicules n’a que des avantages. Elle doit permettre de mieux mesurer les consommations réelles des voitures et leurs émissions de CO2, à l’origine des gaz à effet de serre et du réchauffement de la planète. Alors que l’ancien système (le cycle NEDC) conduisait à des sous-estimations importantes des consommations, le nouveau dispositif est censé corriger ces défauts.
Las ! Dans les faits, l’entrée en vigueur de la norme WLTP en trois étapes (les 1er septembre 2017, 2018 et 2019) n’a pour l’instant qu’une seule conséquence : celle de plonger les observateurs dans des abîmes de perplexité et de questions. Plus personne ne comprend vraiment de quoi l’on parle, qui sont les véhicules concernés, s’il faut changer rapidement ou pas de véhicules… Certains constructeurs, conscients que leurs modèles ne passeraient pas les nouveaux critères du WLTP, ont préféré les retirer de la vente avant fabrication, ou brader les exemplaires déjà construits pour qu’ils soient immatriculés avant le 31 août 2018.
Un tel chamboulement était-il nécessaire ? Les usagers (qu’il s’agisse des ménages ou des entreprises) savaient très bien que les consommations annoncées par les constructeurs ne correspondaient pas à ce qu’ils voyaient en réalité dans le cadre de l’ancien système, mais permettaient seulement de faire des comparaisons normées entre modèles. Ils risquent aujourd’hui d’être les grands perdants, voire "les dindons de la farce" du WLTP. Alors qu’aujourd’hui leur principal souci, c’est l’emballement des prix à la pompe, demain, le WLTP pourrait bien rimer avec "grand coup de massue fiscal".
La raison est simple : parallèlement à la mise en œuvre de la norme d’homologation, selon le calendrier fixé par l’Europe, l’exécutif met à profit le WLTP pour optimiser ses rentrées fiscales. Même s’il répète à l’envi que le passage de la norme NEDC à la norme WLTP serait neutre fiscalement, la réalité est tout autre. Car en renchérissant très sensiblement les émissions de CO2 (de l’ordre de 6 % pour le premier saut vers le NEDC corrélé), qui servent de base aux calculs des taxes françaises, la norme WLTP alourdit mécaniquement leurs montants à payer par les entreprises et les automobilistes.
Pour le moment l’Etat tient sa position : au nom de "la stabilité fiscale", il refuse de revoir le barème de la TVS, qui avait déjà été augmenté l’année dernière, et qui rapportera cette année un peu plus de 600 millions d’euros dans ses caisses.
Et pourtant ! La douche froide du WLTP pour le budget des ménages et des entreprises ne fait peut-être que commencer. Jusqu’en septembre 2019, le système fonctionne avec ces valeurs transitoires dites NEDC corrélées (autrement dit des taux de CO2 déterminés selon le cycle WLTP, mais transcrits très approximativement en NEDC), très nettement inférieures à ce que donnera la norme WLTP lorsqu’elle fonctionnera à plein régime. Comme aurait pu dire un certain Président, "notre fiscalité automobile brûle et nous regardons ailleurs".
L’Observatoire du Véhicule d’Entreprise