Fiscalité écologique : stop ou encore ?
La révolte des “Gilets jaunes" n’a pas que des conséquences sur la croissance économique, la santé des commerçants et des opérateurs du tourisme ou la bonne marche de l’entreprise "France". Elle a, depuis quelques jours, un vrai impact sur les ambitions de transition énergétique affichées par Paris.
Car en annonçant, le 5 décembre dernier, l’annulation des taxes sur les carburants pour l'année 2019 sous la pression de la rue, c’est toute l’architecture fiscale destinée justement à soutenir cette transition écologique qui est mise à mal.
Créée par la loi de Finances 2014, la taxe carbone avait vu son rôle en quelque sorte sanctuarisé au fil des années : progressivité actée par la loi de Transition énergétique de 2015, trajectoire de la composante carbone balisée par la loi de Finances 2018 sur cinq ans, avec un objectif de prix de 100 euros la tonne de CO2 en 2030.
Sans l’affaire des "Gilets jaunes", la taxe carbone, couplée à la mise en œuvre de la convergence entre le diesel et l’essence, devait se traduire par une hausse de la fiscalité à la pompe de 6,5 centimes d'euros par litre pour le diesel et de 2,6 centimes pour l'essence au 1er janvier 2019. Augmentation annulée, donc, et par ricochet, fin de la trajectoire carbone à 2022.
Ce coup d’arrêt donné à la fiscalité écologique rebat aussi les cartes de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) du gouvernement, dont la fiscalité carbone est la cheville ouvrière, avec comme objectif l’atteinte d’une neutralité carbone à l’horizon de 2050.
Pour autant, cette avalanche de mauvaises nouvelles pour la transition écologique est peut-être en réalité, à terme, une bonne nouvelle pour cette dernière. En donnant du temps au temps, elle peut contribuer à déclencher une vraie prise de conscience dans l’opinion publique sur les atouts d’une diversité énergétique équilibrée, assumée, et non décrétée sur la seule foi de considérations idéologiques.
Car lorsqu’on veut bannir le diesel du paysage automobile français et en même temps réduire les émissions de CO2 au nom de la santé de la planète, il y a comme qui dirait une erreur de casting. D’ailleurs, la réalité rattrape l’utopie puisque les émissions de CO2 de la France sont reparties à la hausse depuis deux ans, en partie à cause de la hausse du parc automobile roulant à l’essence. Et que le gouvernement français vient de relever le niveau des futures émissions de CO2 sur les cinq prochaines années de 6 % par rapport à ses promesses antérieures.
En mettant la transition écologique "entre parenthèses", au nom du rétablissement de la paix sociale dans le pays, l’opportunité est peut-être donnée aux politiques et aux gouvernants de mieux réfléchir aux avantages de chaque énergie. Peu à peu, des voix s’élèvent pour s’interroger sur le véritable bilan carbone de la voiture électrique. Il est grand temps, alors même que les constructeurs investissent des milliards d’euros – comme un seul homme – dans cette énergie.
D’autres tentent de convaincre que les diesel d’aujourd’hui sont moins nocifs que les moteurs essence actuels, à l’instar d’Alain Bonnafous, professeur émérite de l'Université de Lyon (IEP) et chercheur au Laboratoire Aménagement, Economie, Transports, qui expliquait récemment dans le Figaro, "qu’un acheteur qui choisit l'essence émet autant de particules fines que dix vilains qui achètent un diesel". (1)
En matière de carburants et de motorisations, il en va comme pour beaucoup de considérations : rien n’est entièrement noir, rien n’est entièrement blanc. Tout est affaire de mesure, de dosage entre les avantages et les inconvénients face à une situation donnée. Les gagnants seront peut-être les décideurs d’entreprise, qui ne savent plus très bien sur quel pied danser (autrement dit comment définir leur car policy), sur fond de fiscalité automobile confiscatoire, de norme WLTP potentiellement explosive pour leurs finances et d’interdiction de circuler pour leurs collaborateurs.
A quelque chose malheur est bon !
(1) Figaro Vox Politique. 7 décembre 2018
L’Observatoire du Véhicule d’Entreprise