Après l’immobilité, la mobilité ?
A l’heure où l’immobilité des populations est la règle dans la plupart des pays du monde depuis bientôt un an (avec force couvre-feu, confinements locaux, restrictions des déplacements, télétravail, avions cloués au sol), pour espérer éradiquer le plus vite possible la pandémie de Covid-19, la mobilité est au contraire au cœur de bon nombre de grands groupes industriels. Mobilité durable qui plus est, au nom de la réduction des émissions de CO2 et donc, souvent électrique.
Prenons le cas d’Airbus ou de Boeing : ces deux géants de l’aéronautique, à qui la Covid-19 a coupé les ailes de la croissance, travaillent d’arrache-pied malgré leurs lourdes pertes de 2020 (12 milliards de dollars pour le seul constructeur américain) aux avions du futur, signe de leur confiance dans le retour – un jour – des voyageurs dans les aéroports et à bord de leurs appareils. Selon leurs communications respectives, l’avion du futur de Boeing volera sans pétrole d’ici 2030, alors que celui d’Airbus pourrait être propulsé à l’hydrogène à l’horizon de 2035.
Même constat dans l’automobile où, à la crise du Dieselgate s’ajoute désormais un "car bashing" en règle de la part des grandes villes, lesquelles n’ont – au passage – pas toujours les solutions de déplacements de substitution adéquates pour leurs concitoyens. Du coup, les constructeurs automobiles se muent progressivement en développeurs de solutions de mobilités : c’est Free2move chez Stellantis, créée en 2016, ou Mobilize lancé en janvier chez Renault, dans le cadre de la "Renaulution" de son nouveau directeur général, Luca de Meo. Même les loueurs de location de voitures longue durée changent de modèle et poussent désormais les solutions de déplacements, au sein desquelles la voiture ne sera à terme qu’une brique parmi d’autres.
Symbole d’une certaine forme d’immobilisme social, avec un statut et des régimes spéciaux gravés dans le marbre, EDF voit elle aussi son développement rimer avec "mobilité". Depuis plus de deux ans, un "Plan mobilité électrique" a été lancé pour devenir dès l’an prochain le premier fournisseur en électricité pour véhicules électriques, le premier exploitant de réseau de bornes électriques et un acteur majeur des bornes intelligentes (élément essentiel des fameuses "smart grids"). Comme le rappelait cette semaine Olivier Dubois, en charge du développement et des partenariats stratégiques à la direction mobilité électrique d’EDF, lors d’une intervention à un atelier-débat organisé par l’association "Equilibre des Energies", l’énergéticien fait feu de tout bois et dans tous les pays : avec les constructeurs automobiles (BMW, VW, Nissan), dans les énergies renouvelables (hydrogène, solaire…), auprès des collectivités. Sur le front des bornes de recharge, EDF entend aussi jouer la carte de l’agilité, avec l’ambition de fournir à terme un système de recharge à chaque citoyen où qu’il habite. Vaste programme (aurait dit le Général) à l’heure où l’électricien achoppe sur un plan de refonte interne majeur pour son avenir, baptisé "Hercule".
La mobilité durable pourrait bien être aussi la bouée de sauvetage de l’industrie pétrolière, laminée par la chute de la demande d’hydrocarbures liées à la crise sanitaire. Les milliards de dollars de pertes s’amoncellent dans les comptes des ex-stars mondiales, BP ou Exxon, à raison de 20 milliards de dollars chacune… A défaut de pouvoir réinventer les hydrocarbures qui ont fait leur fortune et qui causent aujourd’hui leur chute, les compagnies promettent de "réinventer leur stratégie" en misant sur les énergies renouvelables.
La Covid-19 et ses nombreux variants, ô combien mobiles, désarçonnent chaque jour les gouvernements. A l’économie de prouver qu’agilité et mobilité sont bel et bien le nerf de la guerre. Après l’immobilité viendra…la mobilité. Durable et durablement.
L’Arval Mobility Observatory