La France attractive aujourd’hui encore, mais demain ?
Chaque année, la publication du baromètre EY sur l’attractivité de la France auprès des investisseurs étrangers donne toujours du grain à moudre aux observateurs. Soit les "décisions d’investissements" permettent à la France de creuser l’écart avec les Allemands et les Britanniques et c’est "cocorico" ! Soit, comme cette année, le bilan est un peu moins brillant et c’est un ouf de soulagement, tout en promettant de "faire mieux" l’an prochain. Un peu comme les joueurs français sortis trop tôt de Roland-Garros !
L’année dernière, explique le cabinet de conseil, l’Hexagone a dénombré 985 décisions d’investissements étrangers, pour un total de 30 000 emplois. A première vue c’est plutôt bien, en plein séisme économique et sanitaire ; d’autant que le pays conserve sa première place devant le Royaume-Uni et l’Allemagne. Le hic, c’est que l’écart se réduit avec ses poursuivants, ce qui pose question pour l’avenir.
Ce baromètre pose d’ailleurs plusieurs interrogations aux dirigeants français. Covid-19 oblige, le ralentissement des investissements étrangers est de mise partout ; mais le recul a été plus sensible en France que dans les autres pays. L’an dernier, le nombre d’investisseurs étrangers a ainsi reculé de 18 % en France, mais de seulement 4 % en Allemagne et 12 % au Royaume-Uni. Même sur l’ensemble de l’Europe, le repli est moindre (-13 %). Autre constat, le nombre de projets d’implantations de centres R&D et de sièges sociaux, est lui aussi en recul. Quant au nombre moyen d’emplois crées par projet (34 contre 61 au Royaume-Uni, 48 en Allemagne… mais 135 en Espagne), c’est le plus faible de tous nos grands concurrents.
Enfin et surtout, les traditionnels vecteurs d’investissements internationaux, comme l’aéronautique, l’équipement, l’automobile ou encore les industries de services, ont été touchés de plein fouet par la crise et c’est l’attentisme qui prévaut.
Pour le secteur automobile, en tout cas, le baromètre EY traduit une certaine résistance dans l’adversité, avec 51 projets l’année dernière, contre 50 en 2019. L’autre grand malade des transports, l’aéronautique, n’affiche lui que 7 projets en 2020 contre 31 l’année précédente. Les constructeurs, équipementiers et autres distributeurs autos, encalminés dans un marché qui a le plus grand mal à redémarrer et sous la pression environnementale de Bruxelles, apprécieront sans doute l’analyse plutôt positive des experts d’EY.
Car des investissements, internationaux ou franco-français, la filière automobile va en avoir besoin dans les années à venir pour réussir sa transformation. Un autre géant du conseil, KPMG, a chiffré à 140 milliards d’euros d’ici à 2040, les investissements nécessaires à la modernisation de la filière et à la création d’emplois. Faute de quoi, la chute de chiffre d’affaires et des emplois pourrait atteindre "60 % des valeurs actuelles", selon les auteurs (Le Journal de l’Automobile, 3 juin 2021).
Reste que, pour investir dans un pays, il faut avoir confiance dans sa stabilité politique, sociale, règlementaire. Les 200 dirigeants interrogés par EY risquent donc de scruter avec attention la sortie de crise en France et surtout son calendrier électoral chargé, traditionnellement synonyme de surenchères sociales et fiscales. A cet égard, le récent constat du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) ne devrait pas rassurer les grands dirigeants internationaux. Que dit cet éminent organisme, proche de la Cour des comptes ? Que globalement le niveau des prélèvements sur les entreprises reste plus élevé en France que dans la moyenne des pays comparables. Certes la promesse du candidat Macron de ramener le taux d’IS à 25 % en 2022 (contre 33 % en 2017) est sur la bonne voie. Mais elle ne fait que ramener le pays dans la moyenne européenne. Au final, l’Hexagone reste dans le club des pays de l’OCDE où la pression fiscale est la plus forte. Et la crise sanitaire fait craindre encore une montée des eaux. La digue de l’attractivité résiste encore à la marée fiscale, mais pour combien de temps ?
L’Arval Mobility Observatory
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