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La cigale et la fourmi au temps du Covid-19

Publié le 28 mai 2020

Par Arval Mobility Observatory
5 min de lecture
Zoom de l’Arval Mobility Observatory – La crise du Covid-19 place l’État en position de pompier sur tous les dossiers sanitaires, économiques ou encore sociaux du pays.

 

Le "quoi qu’il en coûte" décrété par le président Macron mi-mars, à la veille du confinement, prend chaque jour un peu plus de relief, à mesure que les plans de sauvetage de pans entiers de l’économie française sortent des tiroirs des ministères. Autant de "sauve qui peut", qui succèdent à un traitement social massif de la crise, avec un pic de plus de 12 millions d’actifs en chômage partiel au début du déconfinement, le 11 mai.

 

Combien de temps les finances publiques pourront-elles tenir le coup à ce rythme infernal ? Et surtout, quelle solution alternative à la perfusion publique -si elle existe- pourrait prendre le relais ? Dans une analyse pour le Figaro Economie, l’éditorialiste Jean-Pierre Robin propose une recette pour le moins surprenante : "Les Français doivent vite dépenser leur argent, sinon ils perdront leur boulot !" (1) Sa démonstration est frappée au coin du bon sens : pendant le confinement, les ménages ont continué à toucher leurs rémunérations en tout ou partie grâce au chômage partiel. Mais, pas cigales pour un sou, faute de tentations de shopping ou par peur du lendemain, ils ont joué les fourmis et thésaurisé sur leurs comptes en banque, propulsant leur taux d’épargne à des sommets jamais atteints (plus de 30 %). Aujourd’hui, pas moins de 515 milliards d’euros dorment ainsi sur des comptes non rémunérés, en attente de jours meilleurs ! Une pure aberration pour les économistes.

 

Cette prudence des ménages doit maintenant s’inverser. "De même qu’il fallait que le virus cesse de circuler, il est impérieux que l’argent circule à nouveau au lieu de s’enkyster dans des comptes", prévient l’éditorialiste du Figaro.

 

Relancer la machine économique par la consommation, en espérant que l’investissement reparte ensuite, c’est tout le pari du gouvernement quand il met, par exemple, 8 milliards d’euros sur la table pour renflouer l’industrie automobile sinistrée par la pandémie. A coups de bonus à l’achat (pourtant rabotés il y a encore six mois), ou d’élargissement spectaculaire de la prime de conversion (près de 80 % des ménages éligibles), il espère déclencher l’acte d’achat des Français et écouler les quelque 500 000 véhicules qui attendent le client chez les concessionnaires automobiles et dans les parcs de stockage des constructeurs.

 

Le pari du président Macron et de son équipe est toutefois risqué. Difficile en effet de déclarer "persona non grata" l’automobile un jour, d’alourdir avec constance sa fiscalité, puis de faire volte-face le lendemain, en cherchant à faire revenir à tout prix le consommateur-contribuable dans les concessions, pour qu’il remette un peu de son épargne dans les circuits économiques.

 

Bien sûr, on argumentera que les incitations portent avant tout sur les véhicules propres, c’est-à-dire électriques et hybrides. Mais les véhicules en stocks ne sont-ils pas thermiques à plus de 95 % ? En outre les Français, malgré les chiffres mirifiques de la croissance de ventes de véhicules verts agités par les pro-électriques, ont du mal à faire taire leurs réticences. Prix encore trop élevés, incertitudes sur les réseaux de recharge, questions sur les autonomies de ces véhicules et sur leur vrai bilan écologique. Sans oublier des interrogations légitimes sur une dépendance trop grande à l’égard des fournisseurs chinois pour les batteries (en attendant la montée en puissance de l’Airbus des batteries). Même dans les entreprises, qui sont pourtant un levier essentiel pour la dynamique du marché automobile, la « mayonnaise » a parfois du mal à prendre, surtout chez les petites structures, comme le montre la dernière livraison du Baromètre des Flottes Kantar pour l’Arval Mobility Observatory. Parmi les entreprises de moins de 10 employés, 12 % seulement utilisent un véhicule électrique ou prévoient de le faire dans les trois ans, tandis que dans les très grandes entreprises (plus de 1 000 employés), cette part tombe à 67 %, contre 75 % il y a un an.

 

Le plan de relance de l’automobile, explique Dominique Seux dans Les Echos, a pour priorité le sauvetage de l’industrie tricolore et moins l’engagement dans une vraie politique de transition énergétique. "Le président français, peut-être parce que c'est trop tôt, peut-être parce que la crise conjoncturelle est trop violente, peut-être parce que les modèles électrifiés existants sont encore trop chers, n'a pas donné le signal aux Français qu'il est temps et urgent de donner la priorité à la transition écologique." (2)

 

A chaque jour suffit sa peine, selon le dicton populaire. Aujourd’hui, la "peine" est de ramener les Français vers la consommation et l’achat…. Demain, viendra le temps d’autres campagnes. François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, ne disait pas autre chose, le 6 mai dernier, devant les parlementaires : "Il s’agira demain de transformer rapidement cette réserve en consommation (NDLR : l’épargne forcée des ménages) et donc en croissance. Pour assurer la confiance économique, mieux vaudra à court terme écarter l’effet récessif de hausses d’impôts sur les ménages". (3) Quand on sait combien il est difficile pour l’Etat de résister à la tentation, on comprend mieux pourquoi les Français sont des "fourmis"….

 

L’Arval Mobility Observatory

 

(1).  Le Figaro Economie. 25 mai 2020. Chroniques.

(2).  Les Echos. 27 mai 2020. Le regard du jour.

(3).  Audition devant l’Assemblée Nationale. 6 mai 2020.


 

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