Jérome Martin Président-directeur général de Parcours : "Si nous ne sommes pas capables de conserver notre qualité de service, cela ne sert à rien de nous développer".
...il nourrit encore l'ambition de faire évoluer sa branche en préservant ce qui a fait sa force.
Journal de l'Automobile. Qui est Parcours ?
Jerome Martin. Parcours est aujourd'hui, dans le Top Ten hexagonal, le seul prestataire qui n'est pas détenu par un actionnaire qui voit en la LLD une source de profit complémentaire. Dans les dix premiers du secteur, ce sont soit des constructeurs, soit des grandes banques. Parcours n'est pas dans ce schéma. Nous sommes indépendants. Toute notre stratégie est basée sur la notion de service. Nous avons aujourd'hui un parc de plus de 16 000 véhicules et allons dépasser les 100 millions d'euros de CA, pour 5 % de résultat net après impôts alors que le marché est entre 3 et 4 %.
JA. Comment êtes-vous organisés ?
JM. En termes de services, nous faisons la même chose que nos concurrents. Là où nous sommes différents, c'est que nous exécutons ce service selon un schéma qui nous est propre et dont la principale caractéristique est la flexibilité. A l'heure actuelle, nous avons 14 agences capables de faire l'ensemble des opérations de la gestion d'un portefeuille client. C'est-à-dire que chacune d'entre elles gère sa propre facturation, ses contrats, la comptabilité ou la revente des véhicules d'occasion. Cela nous permet d'avoir une réactivité maximum. Nos concurrents ont souvent tendance à centraliser certains aspects du travail. Leurs commerciaux ne savent pas toujours très bien comment se passe la facturation. Ce qui fait qu'ils passent leur temps à faire le tampon entre la volonté du client et les errements de leur organisation. Chez nous, les commerciaux sont polyvalents et connaissent parfaitement les rouages de notre appareil. Cela les rend plus fort face à un client. Nous avons donc une certaine autonomie de structure et de personne.
JA. C'est ce qui fait votre force ?
JM. Dans notre argumentaire, nous parlons davantage de produit et de services que de la force de notre groupe. Certains de nos concurrents, eux, tentent d'impressionner les clients avec le nom ou la taille de leur entreprise ou groupe d'entreprise, sans véritablement proposer un service particulier. Pas nous. Et c'est là notre véritable identité. Nous avons une taille plus modeste mais sommes beaucoup plus flexibles.
Currirulum vitaeNom : Martin |
JA. Pensez-vous que le fait d'être un peu plus cher que vos concurrents soient un avantage ou un inconvénient ?
JM. Il est vrai que nous sommes un peu plus cher, mais attention. Faire du service avant de faire du prix est un avantage plus qu'un inconvénient. Il suffit simplement d'être capable de l'expliquer. Facialement, nous sommes sans doute plus cher. Mais le coût global, qui ne comprend pas uniquement le loyer, n'est pas plus cher. La location longue durée doit packager l'ensemble des coûts de la meilleure façon possible. Alors vendre du prix et ajouter des coûts supplémentaires à la fin du contrat, c'est vendre un faux produit. A la sortie, le client paye l'ardoise. Notre offre est peut-être plus chère, mais elle est sans surprise pour le client. Nous packagons au plus près l'ensemble de l'exploitation du véhicule. C'est une philosophie. Il n'y a pas d'écart de tarification, le budget est ainsi très clair.
JA. Comment voyez-vous évoluer votre profession ?
JM. En termes de services, il va y avoir d'énormes évolutions grâce à toute l'électronique embarquée qui prendra plus d'importance encore à bord des véhicules. Demain, nous pouvons, par exemple, imaginer récupérer le planning de la personne qui utilise la voiture louée et lui prendre ses rendez-vous d'entretien en fonction de ses disponibilités. J'irai même plus loin en disant que nous avons déjà la possibilité de le faire et que lorsque les systèmes seront vraiment aboutis, nous pourrons développer toute une gamme de services autour du déplacement. Autant de choses qui n'auront pas forcément de liens directs avec l'automobile. Concrètement, nous gérons déjà tout ce qui est carte essence, péage, lavage… pourquoi ne pas, demain, gérer des choses comme la restauration, l'hébergement ou le voyage ? Il s'agit de développer une gamme de services autour du principe de mobilité et de déplacement.
JA. N'est-ce pas une façon de vous écarter de votre métier ?
JM. Il ne faut pas oublier que nous sommes, par nature, un intermédiaire. Nous pouvons donc endosser de tels rôles. Evidemment, ce ne sont pas des sujets d'actualité, mais ce sont des sujets auxquels nous devons penser dès aujourd'hui. Nous devons simplifier la vie des gens. Et je pense sincèrement que c'est une tendance de notre métier.
JA. Quels sont les activités que vous souhaitez développer ?
JM. Nous faisons de la LLD à 100 %. C'est notre cœur de métier et cela le restera. La revente de VO est pour nous une obligation, cela fait partie du métier. De la même façon, avoir des garages est une nécessité. C'est un service supplémentaire. Nous le mettons en avant, mais cela reste des activités annexes qui nous permettent d'effectuer au mieux notre métier qu'est la LLD. A terme, nous souhaiterions même standardiser nos agences sur le modèle tripartite de notre site lyonnais. Avoir un garage et une structure de revente VO au sein même de chaque agence nous permettrait ainsi de mieux gérer nos coûts. Mais ce ne sont en aucun cas des centres de profits. Ce sont des activités qui ne nous rapportent d'ailleurs pas grand-chose. Cela fidélise nos clients, mais ce n'est pas notre métier. Nous ne faisons pas de marge sur ces activités.
JA. Quel regard portez-vous sur votre profession ?
JM. La concentration a été très importante ces dernières années. Mais cela s'est calmée. Ce sont des manœuvres qui sont tout à fait significatives de cette volonté de faire des économies d'échelle. L'idée c'est, plus on est gros, mieux on se porte. De ce fait, nous avons vu apparaître des mastodontes, qui sont parfois bloqués dans leurs rouages. A côté de ça, nous avons les petits faiseurs. Ceux qui font du sur mesure. Et, au risque de paraître agressif, je mets un peu tout le monde dans le même sac. Sur les dix plus gros loueurs du pays, tous ont la même stratégie, les mêmes produits. Certains font des petites choses différentes mais, fondamentalement, tout le monde fonctionne d'une manière similaire avec pour objectif de faire des économies d'échelle. Personnellement, je pense que, lorsque l'on fait du service, il faut faire très attention à cela. Aujourd'hui, nous pouvons observer une chose. Beaucoup de grands comptes sont passés entre les mains de divers prestataires. Lorsque nous nous faisons prospecter, il est facile de voir que nous faisons la différence. C'est actuellement sur ce type de clients que nous avons le plus d'impact.
JA. Grandir est-il potentiellement dangereux pour une société comme Parcours, qui base son développement sur les notions de flexibilité et de services ?
JM. Si nous ne sommes pas capables de conserver notre qualité de service, cela ne sert à rien de nous développer. Nous avons, à coup sûr, des opportunités de marché, mais c'est à la condition de préserver notre différence. C'est notre challenge : rester forts sur notre stratégie tout en continuant à nous développer. Nous sommes aujourd'hui les seuls à avoir une vraie volonté de ne pas écouter la stratégie de partenariats des banquiers et des constructeurs.
JA. Justement, de nombreux bruits circulent sur votre avenir. Qu'en est-il ?
JM. Je n'ai jamais fermé la porte. Et c'est pour cette raison que l'on parle de notre situation. J'ai en effet été démarché par Ford, par BMW, Arval, ALD… je ne refuse jamais de discuter. Mais la logique de ces groupes ne nous aurait pas permis de préserver notre indépendance. Rapidement, ces gens auraient voulu réaliser des économies d'échelle. C'est peut-être dur à dire, mais le système bancaire ne reconnaît pas un client, et parfois, le monde automobile non plus. Je reste persuadé que nous adosser à un actionnariat industriel ou financier n'était pas le meilleur moyen de nous développer.
JA. Quelle est votre définition de l'indépendance ?
JM. Pour une entreprise, l'indépendance consiste à rester maître de sa stratégie. C'est avoir un produit et le développer selon ses idées, sans perturbations extérieures. Ce qui n'est pas toujours facile. L'indépendance consiste, en fait, à faire le moins de compromis possible pour se développer.
JA. Est-ce que l'indépendance existe encore lorsqu'un gestionnaire financier comme Atria intègre votre capital ?
JM. Evidemment, nous sommes toujours obligés de faire un minimum de compromis. Mais je pense que le gestionnaire de fonds est, pour nous, la solution idéale. Je pars du principe que les gens qui font ce métier ne sont pas des managers mais des financiers purs. Ce sont des analystes avec beaucoup d'argent dans les mains. Mon souhait est qu'ils ne se mêlent pas de l'aspect management. Ils sont là pour optimiser le développement d'une entreprise par leurs moyens financiers.
JA. Comment Atria Capital peut-il vous aider à réaliser vos objectifs ?
JM. C'est un actionnaire qui n'est pas là pour changer notre stratégie. En quelque sorte, il a acheté cette stratégie et son rôle est de nous aider à l'amplifier. Mais ce genre de relation est toujours déterminé. Il est presque écrit que celle-ci prendra fin dans cinq ans. Mais d'ici là, notre objectif est de doubler notre taille et de mettre au point un produit européen. C'est ce que nous attendons de notre entente avec Atria. A la fin de celle-ci, un autre gestionnaire prendra le relais pour nous faire atteindre un autre cap.
JA. A posteriori, votre introduction en Bourse a-t-elle été une bonne chose ?
JM. Elle était nécessaire. C'était une étape, pas un échec. Elle nous a donné les moyens de promouvoir notre nom. Avant 1998, date à laquelle nous avons intégré le second marché, nous étions considérés comme des loueurs de banlieues. La Bourse nous a apporté la notoriété dans une période où le marché était en forte croissance. Elle correspondait à nos besoins du moment. Mais elle a l'inconvénient de regarder le marché et pas l'entreprise en elle-même. Ce qui, aujourd'hui, dans cette phase de stagnation du marché, n'était plus favorable pour poursuivre notre développement.
JA. Votre développement justement, quel est-il ?
JM. Notre premier objectif est de garder une croissance linéaire. C'est le moteur d'une sécurité financière évidente. Nous venons de créer l'agence de Nice et de Toulouse. Nous cherchons à nous implanter à Lille d'ici le premier semestre 2006, puis dans une autre région que nous n'avons pas encore identifiée. C'est avant tout une question d'opportunité. Il faut voir la répartition géographique, mais une chose est sûre, nous avons décidé d'accélérer et de perfectionner notre maillage national. Nous prendrons le temps, avec Atria, de voir comment fonctionnent les nouvelles agences avant d'en créer d'autres. A terme, notre souhait est d'afficher un parc de 33 000 véhicules pour 2009.
JA. Quels sont les moyens que compte se donner Parcours pour atteindre son but ?
JM. C'est entre autre la création de centres, mais pas uniquement. Sur les 33 000 voitures que nous visons, seuls 2 500 devraient provenir des agences que nous venons de créer. Notre croissance passera donc essentiellement par nos sites existants aujourd'hui. Et comme le marché, lui, ne va pas doubler, cela devra se traduire par une plus grande agressivité commerciale de notre part, vis-à-vis de la concurrence.
JA. Le développement de votre présence au niveau européen est-elle d'actualité ?
JM. Nous venons de créer l'agence de Bruxelles et avant la fin du premier semestre 2006, nous aurons également une agence en Espagne. Dans cinq ans, le jeu sera de trouver un fonds d'investissements désireux de nous aider à développer notre présence européenne. Ce n'est pas une chose aisée. Nous prenons le temps de modéliser notre offre, d'élaborer un vrai produit européen. Je pense qu'aller sur ce marché pour faire comme tout le monde ne sert à rien. Il n'existe pas aujourd'hui d'offre réellement adaptée aux diverses exigences d'un tel marché. Notre difficulté est d'en fomenter une. Il faut prendre en compte les particularités des marchés nationaux tout en garantissant un suivi à l'échelon européen.
Propos recueillis par David Paques
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