Electricité renouvelable, quoi qu’il en coûte ?
Lors de la présentation de ses résultats annuels (marqués d’une facture Covid de l’ordre de 3,5 milliards d’euros), le président d’EDF a tout simplement brandi la menace d’une relégation de l’entreprise "en seconde division" face à des concurrents beaucoup plus avancés que lui dans les renouvelables. A titre d’exemple, l’italien ENI annonce 120 GW dans les renouvelables en 2030, là où EDF espère faire péniblement moitié moins.
Dans le même temps, l’énergéticien qui a perdu des clients particuliers et entreprises avec l’ouverture du marché à la concurrence (720 000 environ, même s’il lui reste encore un confortable matelas de 23 millions), a de moins en moins de moyens pour entretenir un parc nucléaire vieillissant, qui représente pourtant encore 70 % du bilan énergétique de la France, et financer ses investissements annuels (15 milliards d’euros par an). Eviter qu’EDF aille dans le mur, pour reprendre l’expression du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, ou "sauver le soldat EDF" pour utiliser une métaphore cinématographique, sera donc l’un des –nombreux– chevaux de bataille de l’Etat.
Car au même moment, sur le terrain, les véhicules électrifiés montent en puissance. Selon le dernier rapport de l’ONG, The Climate Group, les grandes entreprises engagées dans le programme EV100 ont doublé leurs immatriculations de véhicules électriques l’année dernière, passant de 80 000 à 169 000 unités. Ces multinationales, au sein desquelles on compte AstraZeneca, Siemens, Schneider Electric, EDF…, sont aussi demandeuses de bornes de recharge (leur nombre a cru en un an de 80 % à travers plus de 2 000 sites).
Alors bien sûr, on a beau jeu de dire que de nouveaux parcs d’éoliennes sortent, ou vont sortir des cartons, dans un avenir proche. Le troisième parc en construction vient d’ailleurs d’être lancé cette semaine, au large de Courseulles-sur-Mer dans le Calvados. Mais les délais restent longs et l’éolien ne compensera pas avant longtemps le manque à gagner du nucléaire. A cet égard, les chiffres très positifs sur la part des énergies renouvelables dans le bilan énergétique national en 2020, sont à prendre avec précaution.
Certes, l’hydroélectricité, l’éolien, le solaire et bioénergies ont représenté près de 27 % de la production d’électricité l’année dernière, un chiffre tout à fait inédit, mais dans le même temps, la consommation globale de courant a chuté en raison de la crise sanitaire, des mesures de confinement et du ralentissement généralisé de l’économie… Ceci explique peut-être cela.
Faire grimper durablement la part du renouvelable dans le bilan énergétique tricolore est donc un enjeu vital pour asseoir l’écosystème qui se met en place dans l’automobile et dans de nombreux secteurs économiques autour de l’électrique. Et c’est là qu’on se prend à rêver à l’essor à grande échelle, de technologies permettant d’autoproduire sa consommation électrique : dans l’automobile, le V2G (pour Vehicle to Grid) est déjà une réalité.
Le catamaran "Energy explorer" stocke sous forme d’hydrogène l’électricité qu’il produit. Ce pourrait aussi être le cas dans l’univers marin, avec l’expérience en cours du navigateur Yvan Bourgnon. Cet autre projet de catamaran baptisé "Manta" ambitionne de dépolluer les fonds marins des tonnes de déchets plastiques qui s’y accumulent, de recycler ce qui peut l’être et de produire de l’énergie pour faire avancer le bateau via une unité de conversion énergétique par pyrolyse. Un bateau nettoyeur des mers et producteur d’énergie renouvelable, c’est bon pour la planète.
Mais compte tenu de ses investissements colossaux et long terme dans le nucléaire, la France peut-elle sérieusement prétendre en sortir rapidement au profit de l’électricité durable ?
L’Arval Mobility Observatory