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Koolicar se focalise sur les flottes avec Open Fleet

Publié le 2 janvier 2019

Par Gredy Raffin
8 min de lecture
Au lendemain de l'annonce de la suspension du service Koolicar, Stéphane Savouré, le président-cofondateur de la plateforme de location de véhicules entre particuliers, a accepté de donner des précisions sur ce qui a motivé ce choix.

 

En janvier 2018, Koolicar attirait l'attention avec Koolicar Go, au CES de Las Vegas. Librement inspirée du jeu Pokemon, cette technologie de réalité augmentée devait servir aux membres de la plateforme à repérer les véhicules disponibles à la location dans la rue. Mais la location entre particuliers se heurte à des éléments concrets. Faute de pouvoir franchir un palier volumétrique et dans un contexte d'incertitudes liées à la fin brutale d'Autolib', les dirigeants de Koolicar ont décidé de se recentrer sur Open Fleet, leur autre activité. Si la chose était pressentie, un maigre espoir subsistait jusqu'à cette annonce faite durant la trêve des confiseurs.

 

Derrière cette annonce d'arrêt du service Koolicar, que peut-on traduire du marché ?

Stéphane Savouré. On peut dire en effet qu'il y avait un problème de timing. Il n'est pas encore possible d'atteindre une taille critique et une volumétrie d'affaires suffisante pour survivre. C'est une analyse que je fais en comparant notre entreprise aux deux majors américains de référence, Turo et Getaround.

 

Nombreux sont les modèles économiques en rupture qui vivent de levées de fonds. Pourquoi n'avez-vous pas réussi à conclure le vôtre ?

SS. Il faut se souvenir que notre alter ego, Getaround, a collecté 300 millions de dollars après avoir levé 100 millions de dollars lors d'un précédent tour de table. Dans le même temps, Turo a levé plus de 200 millions de dollars. Pour jouer dans la même cour, il faut avoir les mêmes moyens. Nous avions donc besoin de réinvestir quelques millions et avons lancé une campagne de levée de fonds, il y a quelques mois, mais les investisseurs intéressés nous ont signalé que le moment choisi n'était pas le bon. Il y a un problème de lecture du marché et la fin d'Autolib' l'été dernier ne nous a pas facilité la situation. Les soutiens étrangers potentiels, notamment américains, attendent de voir ce que va être la mobilité post-Autolib' dans les grandes villes.

 

En quoi estimez-vous que votre idée a été rattrapée par la réalité ?  

SS. Il y a beaucoup de contradictions sur ce marché qui consiste à rapprocher l'offre et la demande. Or quand la demande est forte, les problématiques opérationnelles d'un service comme Koolicar font que l'offre ne répond plus. La région parisienne en est la caricature et la période de Noël met particulièrement ce fait en exergue. Une autre contradiction apparait en zone rurale où les problématiques de pouvoir d'achat créent un besoin, comme le mouvement des Gilets jaunes le prouve. Mais si les solutions comme les nôtres ont été sollicitées en masse, car génératrices de revenus, le taux d'équipement des foyers fait que la demande n'existe pas. Nous l'avons expérimenté une dizaine de fois dans différentes régions. Il y a donc bien un problème de timing.

 

A quel niveau fixez-vous ce fameux seuil à franchir ?

SS. Il est très difficile d'y répondre et je ne veux pas me prononcer pour mes concurrents restants en compétition. Je pense que nous avons atteint un plafond de verre en France, avec un peu plus de 50 000 voitures privées mises à disposition sur des plateformes comme les nôtres. Nous peinons à franchir cette limite, mais il le faut car nous devons avoir un volume de 50 000 voitures activement partagées.

 

Vous dites "activement", ce qui sous-entend que ce n'est pas le cas en vérité…

SS. Il y a beaucoup d'intérêt de la part des privés, d'où ce volume de 50 000 véhicules inscrits, mais trop peu d'entre eux acceptent encore de partager régulièrement. Je ne saurai pas préciser un taux moyen à l'échelle de la France, mais nous observons dans certains périmètres opérationnels que celui-ci ne dépasse pas les 10 %.

 

Décembre 2018 marque la fin du service, soit à quelques mois de l'entrée en vigueur de la tant attendue loi d'orientation des mobilités (LOM). Aurait-elle pu changer la donne avec des logiques d'incitations ?

SS. Le déploiement et la généralisation de ce type de services passent par des politiques plus ambitieuses. Je pense à deux sujets sur lesquels nous avons eu des discussions avec l'actuel gouvernement et le précédent : une défiscalisation des revenus de location de voitures entre particuliers et l'attribution d'une place par rue dans les grandes villes pour permettre aux membres de nos plateformes de stationner gratuitement, tout cela sous réserve de certaines conditions, bien entendu. Nous aurions alors un levier d'incitation efficace, car ce sont encore les deux freins.

 

Le financement, la taille critique, la relation aux politiques : trois éléments déterminants qui ont eu raison de votre activité. Pourtant avec PSA dans l'actionnariat, vous étiez donnés favoris sur ce marché. Où la machine s'est-elle enrayée ?

SS. PSA a joué son rôle. Ils ont apporté des fonds importants. Ils font cependant le même constat que nous : le propriétaire privé n'a pas répondu aussi largement que nous l'avions prévu. Ensuite, PSA n'est pas en mesure de faire plier le législateur plus que n'importe quel autre acteur, je ne pense donc pas que nous pouvions attendre le constructeur sur ce terrain. Mais attention, la somme engagée par PSA n'a pas servi uniquement à Koolicar, mais aussi à notre autre activité.

 

Nous en reparlerons. PSA n'a-t-il pas réussi à mettre en place un process de recrutement de membre à la livraison des VN ou sur la base des portefeuilles clients ?

SS. Vous pouvez en discuter avec eux. Encore une fois, nous trouvons des soutiens financiers, mais ils attendent d'avoir de la visibilité sur un territoire critique comme l'Ile-de-France. A quoi ressemblera le paysage de la mobilité alors que la demande y est très forte ? Nous continuons à croire dans une offre de service entre particuliers. Reste à laisser s'écouler les mois.

 

Ce n'est donc qu'un gel, au final…

SS. Alors pour l'instant, nous arrêtons le service de location entre particuliers, mais la marque Koolicar demeure active.

 

Qu'advient-il des professionnels qui s'étaient investis avec des flottes ?

SS. Nous ne les abandonnons pas complètement. Ils disposent d'un bijou technologique embarqué sur les véhicules et nous allons leur proposer deux options : retirer le matériel ou continuer en bénéficiant gratuitement des fonctionnalités, comme la gestion du vérouillage / dévérouillage de la voiture à distance, le partage de clé virtuelle ou la géolocalisation. Nous ne nous chargerons plus, en revanche, de la mise en relation entre l'offre et la demande. Nos concurrents ou d'autres prétendants potentiels, comme les sites de petites annonces, pourraient récupérer le parc sur leurs plateformes.

 

Pour être très clair, si une start-up a une idée, elle pourra donc vous contacter pour construire son service sur ce que vous laissez actif ?

SS. Tout à fait ! Dans le cadre d'Open Fleet, notre autre service, nous allons proposer nos compétences et technologies en marque blanche.

 

Nous y venons, quelle est l'ambition désormais assumée par Open Fleet ?

SS. Clairement, nous souhaitons accélérer l'internationalisation. Ce qui a déjà commencé avec des contrats intéressants au Canada, avecTeo Taxi, un service fondé sur une flotte de taxis électriques partagée entre les chauffeurs, en fonction des besoins de la course et aux Etats-Unis, dans l'Ohio, où un prestataire similaire nous a retenu pour un parc qui porte sur une dizaine de milliers de véhicules à terme. Nous allons mettre une emphase sur l'Asie puis développer une force commerciale pour promouvoir notre technologie.

 

Qu'allez-vous proposer en Asie ?

SS. Nous allons intervenir dans le cadre d'un service de location de véhicules entièrement dématérialisé, comme nous le connaissons à Paris avec Virtuo par exemple.

 

Quid de l'Europe ?

SS. L'Europe reste importante, car nous réalisons 80 % de notre chiffre d'affaires, ici, avec 4 000 voitures équipées environ. Nos clients sont généralement dans la location dématérialisée et l'autopartage et le covoiturage en entreprise.

 

Gel de service d'un côté, accélération du déploiement de l'autre, quel est l'impact social de ce changement de cap ?

SS. Malheureusement, ce n'est pas sans conséquence pour une quinzaine de personnes, attachées au service client et du marketing. Ce que nous regrettons car nous parlons d'une équipe jeune, dynamique et très engagée sur le projet. Ce qui me touche particulièrement en tant que fondateur. Nous avons toujours su que ce serait compliqué et que cette annonce que nous faisons comptait parmi les scenarii possibles. Il n'est cependant pas exclu de les réintégrer, si nous rencontrons le succès escompté avec Open Fleet.

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