Prix de l’électricité : gare à la surtension !
Autrefois, la hausse du baril de pétrole déchaînait les passions en France. Radios et télévisions rivalisaient d’imagination pour sortir le reportage le plus pertinent sur les conséquences de cette flambée pour le budget de « Monsieur et Madame Tout le Monde », celui des automobilistes, les prix à la pompe, les profits des majors pétrolières… On s’apercevait au passage que dans un litre de carburant, le poids des taxes (insensibles par définition à la hausse ou à la baisse des prix du brut) tangente les 80 % !
Ça c’était avant : avant la mobilisation planétaire pour sauver le climat ; avant la crise sanitaire qui a fait plonger les cours du pétrole et ébranlé les monarchies du Golfe ; avant le boom des véhicules électrifiés un peu partout dans le monde, et en France. Que les Français se rassurent, ils devraient avoir bientôt un autre sujet d’inquiétude (voire de contestation) : la montée inexorable des prix de l’électricité. La prochaine hausse est annoncée pour le 1er février ; il s’agit de la troisième en l’espace de quelques mois. En dix ans, la hausse atteint 50 %. Et on ne voit pas comment la tendance pourrait s’inverser.
Un petit caillou dans la chaussure de la transition énergétique et dans celle des constructeurs automobiles qui, depuis des mois, vantent le faible coût énergétique de leurs gammes électrifiées pour séduire les consommateurs. Dans l’opinion publique, si le prix du KWh devient un sujet aussi éruptif que celui du prix des carburants, il y a peut-être un danger pour la marche en avant du verdissement de l’économie.
D’aucuns diront que la hausse de la facture électrique pour les particuliers comme pour les entreprises est un mal pour un bien. Il faut en effet subventionner la montée en puissance des énergies propres comme l’éolien ou le solaire. Plus les énergies renouvelables se déploieront, plus elles répondront à la demande électrique. A court terme toutefois, elles sont un coût pour la collectivité nationale, lequel est répercuté sur la facture finale des clients.
On ne peut donc que se féliciter de l’offensive des compagnies pétrolières dans les énergies alternatives. La pandémie de Covid-19 a donné le coup de grâce à leur modèle ? Qu’à cela ne tienne, les unes après les autres, elles tournent la page du pétrole et verdissent leur image et leur stratégie.
Prenez le cas de Total. Son emblématique patron, Patrick Pouyanné, a indiqué en tout début d’année aux analystes que l’on entendrait parler de Total dans les énergies renouvelables en 2021, et que la compagnie y serait aussi active qu’en 2020. Confirmation une semaine plus tard, avec deux annonces consécutives, l’une dans l’hydrogène avec Engie, l’autre dans le gaz renouvelable avec l’acquisition de Fonroche Biogaz.
Comme quoi, malgré une « annus 2020 horribilis » pour les majors pétrolières, tout n’est pas perdu. La reprise économique (une fois l’immunité collective des pays atteinte grâce à la vaccination) relancera mécaniquement les prix du pétrole. Quant à leur diversification dans les énergies renouvelables, elle portera progressivement ses fruits. Comme le rappelle Le Point en fin d’année dernière, « le danois Orsted est l'exemple que tout le secteur regarde de près : l'ancienne major danoise a abandonné l'or noir en 2018 pour se consacrer exclusivement aux énergies dites « vertes », en particulier éoliennes. En 2020, en pleine déconfiture du marché du pétrole, l'action d'Orsted a gagné 60 % ! » (1)
A la fin, toutes ces initiatives dans les énergies renouvelables permettront d’une part d’atteindre les objectifs bas carbone fixés par les pays, mais aussi de répondre aux besoins exponentiels des économies en électricité, verte si possible. A condition toutefois que le vaste manque à gagner fiscal des carburants (TICPE + TVA en France par exemple) ne soit pas massivement et systématiquement répercuté à l’avenir sur le prix de l’électricité.
L’Arval Mobility Observatory
(1). 2020, l’année noire des compagnies pétrolières. Le Point 29 décembre 2020