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Distribution

Le groupe Aubin, distributeur Mercedes, des deux côtés de la Seine

Publié le 7 mai 2021

Par Christophe Bourgeois
8 min de lecture
Rencontre avec Vincent Aubin, codirigeant du groupe normand éponyme, important distributeur Mercedes-Benz sur les deux rives de la Seine. Au programme : affaires de famille, poids lourds, VUL, qualité de service auprès des clients et évolution de la distribution automobile.
Vincent Aubin, codirigeant du groupe de distribution Aubin.

 

La concession est flambant neuve. Située à quelques encablures du périphérique caennais, elle est le premier site Mercedes‑Benz 100 % dédié aux utilitaires de France. À l’intérieur, elle n’a rien à envier aux showrooms VP.

Hôtesse d’accueil, murs noirs, grands écrans, expert produit pour conseiller le client, large gamme de véhicules exposée, salons de vente privés, elle répond aux récents standards du constructeur. "C’est un superbe outil de travail", commente Vincent Aubin en faisant visiter les lieux. Surtout, il change du précédent site, "où nous étions à l’étroit, sans aucun hall d’exposition et mélangés avec le poids lourd, une clientèle différente de celle de l’utilitaire".

 

 

Une famille Mercedes-Benz

 

 

Cette concession est un beau cadeau pour fêter les 75 ans du groupe Aubin. L’histoire a commencé en Seine‑Inférieure que l’on appelle aujourd’hui la Seine‑Maritime. Nous sommes à quelques kilomètres à l’est du Havre, dans le village de Saint‑Romain‑de‑Colbosc, au lendemain de la guerre. Pierre Aubin, le grand‑père de Vincent, ouvre une carrosserie.

Son frère, Antoine, quant à lui, part faire son compagnonnage sur les routes de France. Au hasard de ce que l’on n’appelait pas encore un stage, il s’arrête en Bourgogne pour les beaux yeux d’une fille du coin et ouvre lui aussi un garage à Nuits‑Saint‑Georges (21).

 

Dans les années 60, il rencontre un responsable Mercedes‑Benz qui lui propose de prendre le panneau de réparateur agréé. Au milieu des années 70, sur les conseils de son frère, Pierre, qui voulait se développer, intègre aussi le réseau de réparateurs agréés de la marque allemande.

 

Cela sera le début d’une longue histoire avec elle. Pendant qu’Antoine poursuit sa route à Nuits‑Saint‑Georges, "le garage existe toujours et il est tenu par ses petits‑enfants, mes cousins issus de germain, mais avec qui nous n’avons aucun lien capitalistique", précise Vincent Aubin. Pierre, aidé par ses deux fils Jean‑Pierre et Philippe, père de Vincent, enclenche la vitesse supérieure. Un peu forcé d’ailleurs. "Même si cela se passait très bien, à leur trentaine, mon père et mon oncle avaient envie de voler de leurs propres ailes", glisse Vincent Aubin.

 

En 1982, ils créent une concession Mercedes‑Benz au Havre (76). Jean‑Pierre s’occupe du commerce, Philippe de l’après‑vente. Pendant une douzaine d’années, les frères font prospérer l’affaire et installent le nom Aubin chez Mercedes‑Benz.

 

De l’autre côté de l’eau

 

En 1995, l’inauguration du Pont de Normandie va profondément transformer l’activité économique de la Haute et de la Basse-Normandie, deux régions qui avaient tendance à se tourner le dos. Les deux frères décident d’aller eux aussi de "l’autre côté de l’eau", comme disent les Havrais lorsqu’ils franchissent le large estuaire de la Seine, et rachètent le point de vente Mercedes‑Benz de Caen (14). Quatre ans plus tard, pour répondre à leurs ambitions, ils construisent une concession à Mondeville, pôle économique caennais.

 

En 2000, Mathieu, le fils de Jean‑Pierre, cousin donc de Vincent, intègre le groupe familial avec les panneaux Chrysler, Dodge et Jeep. "Mon cousin, qui a quatre ans de plus que moi, était parti faire sa carrière au sein du groupe Bernard dans l’est de la France", se rappelle le dirigeant.

 

De son côté, Vincent qui, comme Mathieu, a toujours eu la fibre automobile, rejoint Renault après son école de commerce et part directement en Slovaquie comme responsable du marketing. Le mur est tombé il y a dix ans, mais les stigmates du communisme sont encore présents, le pays vient de se séparer de la République tchèque, tout est à faire. "Une époque géniale ! ", résume Vincent Aubin avec nostalgie. Ses aventures internationales puis nationales, notamment à la direction commerciale France chez le constructeur français, dureront sept ans. "Un soir, mon père et mon oncle m’appellent pour me faire passer… un entretien d’embauche !", s’amuse‑t‑il.

 

Ils lui expliquent leur projet à savoir distribuer Honda à Caen, qui était absent depuis une demi‑douzaine d’années, car ils avaient un local disponible à côté des enseignes du groupe Daimler‑Chrysler. "Plus de parc, tout était à faire, se rappelle‑til. Ils m’ont demandé si cela m’intéressait. Je n’ai pas hésité, car c’était pour moi un beau challenge d’être de l’autre côté de la barrière." De plus, travailler en famille ne le gênait pas. En 2008, il se retrouve donc à la fois directeur du site et vendeur pour remonter la marque. "Coup de chance, c’était à l’époque de la Civic 8, un beau produit qui a bien marché."

 

Plongée dans le camion

 

Le début des années 2010 sera riche pour les deux cousins. À plus d’un titre. En 2011, le groupe fait ses premiers pas dans le véhicule utilitaire et le poids lourd, en reprenant le site de Lisieux (14), réparateur agréé de tout ce que produit Mercedes‑Benz. "Le monde de l’utilitaire et encore plus du poids lourd était totalement nouveau pour nous", souligne‑t‑il. Mais l’expérience leur plaît et l’année suivante, le groupe reprend les sites Divinor, spécialisés dans le VU et le VI au Havre (76), Caen (14) et Saint-Lô (50).

 

En 2012, les bases du groupe sont solides, Jean‑Pierre et Philippe cèdent les rênes à leurs fils respectifs qui se partagent les responsabilités : Mathieu s’occupe de la partie VP, Vincent du VU et du VI, "car j’étais très curieux de découvrir cet univers bien que difficile, totalement différent de celui de l’automobile". Leur priorité ? Faire fructifier la réputation du nom Aubin sur les deux rives de l’estuaire et remettre à flot les affaires utilitaires et industrielles. Cela passera notamment par une action inédite.

 

En 2016, suite à des problèmes de qualité de service au sein de l’affaire du Havre, Vincent Aubin décide de séparer la partie VU de celle VI pour l’intégrer au site VP avec l’ouverture d’un point de vente dédié. Face à cette première, Mercedes‑Benz se raidit, mais observe. En quelques mois, la satisfaction client explose, Vincent Aubin gagne son pari. Il est surtout en avance. Car dans les années qui suivront, Mercedes‑Benz déploiera la même stratégie, confortant ce qu’avait senti le dirigeant normand. En 2020, le groupe Aubin ira donc jusqu’au bout de sa démarche en cédant ses concessions de poids lourds au groupe familial Gorrias, présent dans le Nord et en Picardie, pour mieux se recentrer sur le VP et le VU, d’où l’ouverture en novembre de cette concession 100 % VU à Caen.

 

Préserver la proximité

 

Aujourd’hui, Mathieu (49 ans) et Vincent (45 ans) gèrent six sites dont un important centre VO, AutoPassion 14, qui vend annuellement 250 véhicules, surtout du moyen et haut de gamme, canal parfait pour écouler leurs reprises. Ils se disent ouverts à la croissance externe, principalement avec Mercedes‑Benz, mais ne souhaitent pas le faire à n’importe quel prix. "Nos clients et nos collaborateurs sont pour nous la priorité, insiste Vincent Aubin. Je veux être capable de reconnaître les premiers et de saluer les seconds par leur prénom."

 

Pas question donc d’aller reprendre des entités à l’autre bout de la France. Ce groupe familial insiste également beaucoup sur le service, " une notion très importante dans l’automobile, mais probablement encore plus dans l’utilitaire, car nous nous adressons à des professionnels dont le véhicule est l’outil de travail, commente Vincent Aubin. En outre, nous pensons que le client, tout comme le collaborateur, doit se sentir bien dans nos concessions."

 

En parallèle, le groupe Aubin se concentre sur les outils numériques. "Nous avons refait notre site Internet en incorporant nos stocks VN et VO, ce qui nous a permis de passer de 1 000 visites mensuelles à plus de 5000, indique le dirigeant normand. Cela nous a également aidés à toucher une nouvelle clientèle, via notre outil CRM, qui n’aurait pas forcément osé aller chez Mercedes‑Benz." Le groupe dispose aussi d’un site d’e‑commerce pour les accessoires ou certaines pièces de rechange. "C’est, certes, anecdotique en termes de CA, mais nous sommes les seuls à le faire et les ventes explosent", complète‑t‑il.

 

À leurs heures perdues, les deux cousins font de l’enduro. Si Mathieu continue encore un peu, Vincent a arrêté à cause d’une mauvaise chute. Aujourd’hui, il préfère la pêche, une activité beaucoup plus calme qui lui permet de se poser et de réfléchir à l’avenir du groupe, prêt à attaquer le dernier quart de siècle, avant le centenaire. "Je pense que toutes proportions gardées, l’automobile va connaître une transformation comme la musique avec le MP3, estime‑t‑il. L’automobile deviendra un produit de consommation, de mobilité. À nous de nous adapter."

 

 

Le groupe Aubin en quelques chiffres

 

Date de création : 1946

Nom de la société holding : Société financière Aubin

Distribution des marques : Mercedes‑Benz, Smart, Honda et agent Ford + enseigne VO AutoPassion 14

Volume des ventes : 770 VP* (2020), 500 VUL (2020), 1500 VO, dont 250 via AutoPassion 14

Lieux d’implantation : Caen (Mercedes‑Benz, Smart et Honda), Le Havre (Mercedes‑Benz et Smart), Lisieux (réparateur agréé Mercedes‑Benz) et Saint‑Romain‑de‑Colbosc (agent Ford et réparateur agréé Mercedes‑Benz)

CA (2020) : 90 millions d’euros

Nombre de collaborateurs : 150 * environ 1 000 VP hors pandémie

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