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Constructeurs

Quelle stratégie de distribution pour les marques chinoises en France ?

Publié le 12 mai 2021

Par Christophe Bourgeois
9 min de lecture
Quatre marques chinoises seront disponibles en France en 2021 : MG Motor, Aiways, Seres et Lynk & Co. Chacune a des stratégies radicalement différentes pour exister sur un marché qui ne les attend pas vraiment. Tour d'horizon.
En 2021, Quatre marque chinoise seront distribuées en France : MG Motor, Aiways, Seres et Lynk & Co.

 

Cette fois‑ci, cela semble la bonne. Après une quinzaine d’années de tentatives plus ou moins réussies (lire ci‑dessous Quinze ans d’histoire), les constructeurs chinois comptent s’implanter durablement en Europe et tout particulièrement en France. Car ces derniers commencent à se sentir à l’étroit sur leur marché qui est, avec 25 millions d’unités annuelles, le premier marché automobile mondial.

 

Après les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud, l’Europe est donc la prochaine cible. Quatre d’entre elles se lancent, MG Motor, Aiways, Lynk & Co et Seres, mais toutes avancent en ordre dispersé. Et surtout avec des stratégies totalement différentes. La première à être physiquement présente est MG. "SAIC a créé une filiale européenne à Amsterdam, mentionne Julien Robert, directeur du commerce et du réseau de MG Motor France. Celle française a vu le jour en 2020. Nous étions cinq ; aujourd’hui, nous sommes vingt‑six et nous poursuivons notre recrutement."

 

Contrairement à Aiways et Lynk & Co qui misent sur le digital, MG Motor a choisi de s’appuyer sur un réseau de distribution physique. À mi‑mars, le groupe disposait de 62 points de vente avec comme objectif d’atteindre les 80 sites d’ici la fin de l’année, ce qui lui permettra de couvrir les deux tiers du pays. "Nous avons jusqu’à 350 candidats potentiels", indique Julien Robert qui vise d’ici deux ans 120 à 150 showrooms répartis en France. "S’appuyer sur un réseau physique est pour nous essentiel, souligne‑t‑il. Cela nous permet d’avoir très rapidement une présence sur le territoire et de compter sur la fidélité des clients avec leur concessionnaire."

 

S'appuyer sur un réseau

 

Beaucoup de grands noms de la distribution ont rejoint la marque. "C’est pour nous une belle opportunité de rentabiliser des structures (en l’occurrence, un hall laissé vide après le départ d’Infiniti, NDLR) et de réaliser du volume complémentaire à des coûts mesurés", indique Camille Guyot, directeur général du groupe éponyme. "MG propose une approche très "lean" dans son fonctionnement et en même temps une rémunération assez intéressante", explique de son côté Christian Andreani, directeur général de CAR Avenue France. "La marque nous apporte une marge de 6,5 % du prix facturé HT à laquelle s’ajoute 3,5 % de bonus si nos objectifs de volume trimestriels sont atteints. Il s’agit d’une marge plus que convenable."

 

D’autant plus que les investissements demandés sont pour l’instant très légers. MG Motor réclame 200 m² d’exposition, une signalétique adaptée et des outils CRM. "Beaucoup de nos investisseurs ont connu l’arrivée des marques coréennes en France il y a une vingtaine d’années et souhaitent revivre cette expérience", observe Julien Robert. En 2021, MG vise 5 000 immatriculations et plus de 10 000 d’ici deux à trois ans. La gamme est constituée de deux modèles : le SUV du segment C, l’EHS hybride rechargeable (33 700 euros), et son pendant électrique, le ZS EV (29 990 euros), mais deux autres produits, dont un second SUV du segment C, le Marvel R Électrique, et le break MG5 Électrique, seront disponibles à la fin de l’année.

 

 

100 % digital... enfin presque

 

Chez Aiways, le discours est tout autre. Pas d’investissements, car il n’y a pas de réseau. Portée par le groupe Car East France, lui-même distributeur MG à Paris, la start‑up chinoise mise sur le phygital. Déjà présent en Allemagne avec son siège social pour l’Europe, aux Pays‑Bas et en Belgique, Aiways ne vend que sur Internet. Enfin presque. Pour se faire connaître, la marque prévoit de mettre en place des Aiways Houses, magasins éphémères de quelques dizaines de mètres carrés dans les centres-villes ou dans les centres commerciaux.

 

Pour le reste, elle s’appuie sur différents prestataires, notamment pour l’après‑vente. En parallèle, dans le but d’avoir un lien physique avec ses clients, Aiways a signé avec UX², une filiale de l’agence événementielle La Squadra, connue pour dispenser des formations dans le réseau. Sur le papier, le concept est simple : permettre au client de tester le véhicule à son domicile ou sur son lieu de travail. "Les trois quarts des voitures sont essayées avant achat", souligne Jean-Michel Pappolla, l’un des fondateurs d’UX² qui rappelle pour au‑ tant que "les visites en concessions sont tombées en moyenne à 1,7 par vente, tandis que les clients ont passé 7 h sur Internet avant de se décider".

 

UX² est présent dans 26 villes et a, à disposition, des experts produits qui viennent faire découvrir et essayer le modèle aux potentiels clients. C’est également UX² qui se charge de sa livraison, une fois le contrat signé, et repart avec le véhicule du client en cas de reprise. Pour l’instant, Aiways, qui est une marque 100 % électrique, commercialise un SUV du segment C, l’U5 (39 300 euros). Deux autres modèles arriveront : l’U6, un coupé prévu fin 2021 et l’U7, un véhicule 7 places doté de portes antagonistes. Les ambitions d’Aiways sont très contenues. "Nous visons pour la première année un millier de voitures", indique Serge Cometti, dirigeant de Car East France.

 

 

Bienvenue au club

 

 

Présent également à Amsterdam depuis octobre 2020, Lynk & Co commercialisera à l’automne prochain le 01, un SUV hybride rechargeable reposant sur la plateforme du Volvo XC40, selon un mode de distribution totalement inédit. La marque chinoise veut, en effet, vendre un abonnement automobile, comme Netflix le propose dans l’industrie du film. Pas de réseau, tout se passera sur Internet. Paradoxalement, la marque qui a commercialisé sa première voiture en Chine en 2018 dispose là‑bas d’un réseau bien physique ! "Nous avons deux concepts, explique Alain Visser, président de Lynk & Co. Le principal pour l’Europe est celui qui, contre un abonnement mensuel de 500 euros, permet de devenir membre d’un club. C’est un abonnement identique dans tous les pays qui permet de rouler dans un SUV PHEV et qui inclut la voiture, l’assurance, les services, ainsi que l’accès, en tant que membre d’une communauté, à de nombreux événements qui peuvent être des festivals de musique, des concerts, des ouvertures de nouveaux bars, des fashion shops… Devenir membre de Lynk & Co revient à obtenir plus qu’une voiture et un accès à la mobilité, mais une expérience. Bien sûr, vous pourrez aussi acheter le véhicule. En France, son prix sera de 41 500 euros, car nous n’avons pas d’options. Tout est inclus."

 

Côté cible, chacun a une vision différente. MG se veut être une marque généraliste électrifiée et annonce avoir vendu 650 voitures en 2020 et 189 unités dont 38 % en VD, sur les deux premiers mois de l’année. "Nos reprises portent à 50 % sur des modèles français, principalement des Renault Captur et à 50 % sur des marques asiatiques, comme les Hyundai Tucson, Nissan Qashqai ou Kia Sportage, indique Julien Robert. Cette prépondérance de produits coréens ou japonais est liée aux caractéristiques de notre réseau. Une bonne partie de nos investisseurs a déjà, en effet, des panneaux Hyundai et Kia." De son côté, Aiways, marque 100 % électrique, compte séduire les entreprises et annonce être en discussion avec des loueurs longue durée. "Avec notre positionnement prix, nous estimons avoir tous les atouts pour entrer dans les car policies des grands comptes", souligne Serge Cometti. Quant à Lynk & Co, Alain Visser pense que la France devrait représenter 10 000 à 15 000 véhicules sans pour autant donner plus d’indications sur le public visé. Les clients suivront‑ils ?

 

 

Quinze ans d’histoire

 

La volonté de l’implantation des marques chinoises en Europe commence au milieu des années 2000. Via un importateur belge, Great Wall Motor projetait de commercialiser le Landwind, copie conforme de l’Opel Frontera. Las, quelques mois plus tard, un test Euro NCAP avait « crashé » toutes les espérances de la marque. À la même période, le groupe SAIC reprenait Rover en faillite. Pour des questions de droits, il transforme alors le nom en Roewe pour le marché local. La même année, le groupe Nanjing Automobile Corporation, le plus ancien constructeur automobile de Chine (1947), rachetait le portefeuille de marques MG Rover, incluant certaines oubliées comme Austin, Morris, Vanden Plas ou Wolseley. L’aventure ne durera pas longtemps, car Nanjing sera absorbé par SAIC en 2007, réglant un contentieux sur les propriétés des marques entre les deux groupes. Les années passent, mais au gré des salons européens, certaines marques, sortant de nulle part et avec des ambitions démesurées, font leur apparition. À chaque fois, sans lendemain. Lors d’une visite du salon de Shanghai au début des années 2010, un spécialiste du marché chinois nous avait confié : « Les constructeurs chinois sont présents sur les salons européens uniquement pour rassurer leur clientèle nationale. Leur montrer que s’ils sont en Europe, c’est que cela signifie que leurs produits sont de bonne qualité. » Cela ne durera pas longtemps. La première salve arrivera d’Italie. Un entrepreneur Massimo Di Risio lance une nouvelle marque, DR. Derrière ce nom, se cache le groupe Chery qui a l’habitude de travailler avec les italiens, car il a signé une coentreprise avec le groupe Fiat. C’est aussi Chery qui sera derrière Qoros quelques années plus tard, pétard mouillé des ambitions chinoises haut de gamme sur le marché européen. Quelques années plus tard, toujours en Italie, Great Wall Motor retente sa chance avec des pick-up produits en Bulgarie. L’usine a fait faillite depuis. Puis, c’est au tour de MG. La marque revient sur ses terres d’origine, au Royaume-Uni. Avec succès. En 2020, elle a vendu 16 000 unités avec une gamme composée de quatre modèles. Mais une des transactions qui marquera l’entrée définitive des chinois sur le Vieux Continent – et ailleurs – sera la cession de Volvo au groupe Geely. En 2010, Ford cède, en effet, sa pépite suédoise à un groupe chinois inconnu en Europe. Dès lors, les chinois n’auront de cesse de vouloir s’implanter durablement sur le sol européen. C’est désormais chose faite

 

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