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Constructeurs

La Coface émet une alerte sur la santé financière des constructeurs

Publié le 24 avril 2020

Par Alice Thuot
4 min de lecture
Le spécialiste de l’assurance-crédit tire la sonnette d’alarme sur l’impact de la crise sur les comptes des constructeurs, déjà confrontés à des défis structurels d’envergure.
Selon la Coface, les constructeurs feront face à une perte de rentabilité significative dans les prochaines années.

 

Production de véhicules stoppée, showroom fermés, après-vente au ralenti, chute spectaculaire de la demande : personne n’aurait pu imaginer il y a encore peu une situation aussi catastrophique. La crise sanitaire, devenue ensuite économique, pèse sur la situation financière des constructeurs, à la recherche de fonds auprès des institutions financières. Conséquences, ces derniers font tour à tour appel à des lignes de crédit afin de renflouer leurs caisses. Quelques exemples : la semaine dernière, FCA annonçait avoir décroché un prêt syndiqué estimé à 3,8 milliards de dollars auprès d'un consortium d'institutions financières. Toyota a demandé fin mars à ses prêteurs une ligne de crédit de 9 milliards de dollars tandis que General Motors et Ford ont récolté respectivement 15 et 14 milliards de dollars.

 

Certains constructeurs automobiles en Europe demandent l'aide de la Banque centrale européenne par le biais de son plan d'achat d'actifs supplémentaire, de 750 milliards d'euros. Côté français, PSA vient d’annoncer la souscription d’un emprunt de 3 milliards d'euros auprès de plusieurs banques, tandis que Renault a confirmé avoir recours à des prêts garantis par l’Etat de 4 à 5 milliards d'euros, comme filet de sécurité. Les montants s’égrènent et reflètent bien la difficulté et l’urgence auxquelles se heurtent les constructeurs dans cette période si sensible. Plus la durée de la fermeture dure, plus la charge s’alourdit, obligeant constructeurs automobiles - mais aussi équipementiers - à brûler de plus en plus d’argent, sans rentrée conséquente.

 

Un contexte déjà délétère avant la crise

 

Cette situation inédite agit comme un choc supplémentaire de grande amplitude pour un secteur automobile déjà en difficulté, éprouvé par une demande en recul en Europe, en Chine et monotone aux Etats-Unis, déjà avant la crise. S’ajoutent à cela, pour compliquer l’équation, les nouvelles normes réglementaires, ayant induits des investissements colossaux sur une période relativement contenue. Sans oublier les incertitudes liées à la guerre commerciale américano-chinoise et les mesures protectionnistes en jeu.

 

C’est à partir de ce constat que la Coface a dressé une note, pas tout à fait réjouissante, sur la santé financière des constructeurs automobiles. « Certains acteurs traversent cette pandémie avec des bilans plus faibles et des besoins d'investissement plus élevés », constate la Coface. Et cela ne pourrait bien être que le début de la descente aux enfers. « La position financière des entreprises du secteur automobile devrait encore se détériorer à court et moyen terme. Les niveaux d'endettement montent en flèche et les entreprises devront vendre des actifs et se restructurer. La course aux liquidités poussera la dette à des niveaux plus élevés, comme cela a été observé pendant la grande récession de 2008-2010, lorsque le ratio d'endettement net est passé de 26 % au cours de la période précédant la crise, à 32 % entre le deuxième trimestre 2008 et le deuxième trimestre 2009. Une situtation qui a ensuite imposé une dure période de désendettement. »

 

Enorme baisse de rentabilité anticipée

 

Mais ce n’est pas tout : étant donné que les agences de notation ont récemment dégradé d'un cran les constructeurs automobiles et leurs fournisseurs, avec parfois une mise sous surveillance négative, les taux d'intérêt devraient augmenter et exercer une pression sur le remboursement de la dette. Conséquence : l’industrie automobile devrait souffrir d'une énorme baisse de rentabilité. Certains acteurs sont davantage en danger que d’autres. Il s'agit logiquement des plus petits, ceux disposant de moins de liquidités, et en particulier, selon la Coface, des fournisseurs. Généralement liés à un client unique et incapables de négocier des clauses contractuelles avantageuses, de nombreux petits acteurs n’ont tout simplement pas la capacité financière de faire face à un tel choc. Leur liquidité s’assèchent rapidement, faute de pouvoir augmenter leur dette.

 

De plus, l'appétence moindre des clients pour les moteurs diesel affaiblit les fournisseurs d'équipements axés sur ce type de technologie. Le passage aux électrifiés exercera une pression supplémentaire sur les fournisseurs qui n’ont pas investi dans cette technologie. Dernière mauvaise nouvelle : la situation ne serait pas prête de s’arranger, avec une demande qui ne devrait pas retrouver son niveau d'avant crise avant la mi-2021 selon les projections, même si le comportement des consommateurs est extrêmement difficile à évaluer.

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