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Constructeurs

Chevrolet Corvette : Ange et démon

Publié le 26 novembre 2004

Par Alexandre Guillet
7 min de lecture
Plus de 50 ans après son lancement, la Corvette s'apprête à prendre les routes européennes sous une forme plus adaptée à leurs spécificités. Evolution profonde, cette C6 marque aussi l'émancipation du modèle par rapport à sa marque d'origine. Au moment où...

...Chevrolet se prépare à débarquer en Europe en se glissant dans les vêtements de Daewoo, la Corvette abandonne toute référence à son blason d'origine pour se positionner aux côtés de Cadillac. Si les marques se rapprochent, General Motors tient à ce que chacune conserve son identité. La Corvette, symbole, avec la Ford Mustang, de la voiture de sport américaine, s'émancipe donc pour devenir "Corvette", marque à part entière dont la C6 reste l'unique modèle. Au-delà de ce changement, cette sixième génération marque une rupture avec les précédentes sur plusieurs points importants.


Plus compacte, plus légère, plus puissante

Avec des dimensions réduites de 125 mm en longueur et de 25 mm en largeur, la C6 devient plus compacte pour atteindre le volume d'une Porsche 911. L'empattement gagne quant à lui 30 mm au bénéfice de l'équilibre général et de l'habitabilité. Le volume du coffre reste appréciable pour la catégorie, mais se réduit considérablement dès que les passagers y rangent le toit amovible pour profiter du soleil. Ce pavillon adopte en série la couleur de la carrosserie, mais le client pourra choisir en option une version vitrée sans doute agréable. D'autant plus que les nouvelles mensurations de l'auto permettent un gain de surface de 15 % pour un poids seulement supérieur de 450 g. A un moment où toutes les catégories de voitures suivent un régime de sumotori, l'américaine affiche un poids en ordre de marche de 1 508 kg, presque raisonnable face aux masses atteintes par certaines concurrentes du segment.



Archaïsmes et haute technologie

Fidèle aux traditions, la C6 conserve certaines solutions techniques dignes des années cinquante, mises à niveau par les ingénieurs américains. Côté châssis, elle naît toujours autour d'une poutre, comme son aînée, mais dispose de planchers en matériaux composites et d'une structure d'habitacle façonnée dans l'aluminium. Au rayon des particularités techniques qui caractérisent la Corvette depuis plusieurs décennies figure aussi une suspension indépendante sur ressorts à lames. Ce système revu dans son ensemble sur ce modèle donne un bon résultat sur revêtement régulier, mais secoue quelque peu les vertèbres sur chaussée détériorée. Le V8 LS2 conserve également son antique distribution centrale à deux soupapes par cylindre, mais sa puissance augmente pour atteindre la valeur respectable de 404 ch (297 kW) à 6 000 tr/mn. Parallèlement à ces archaïsmes, figurent des innovations comme le démarrage sans clé ou l'affichage des données sur le pare-brise. La Corvette a d'ailleurs inauguré ce système sur sa version précédente avant que BMW ne le reprenne sur sa Série 5. A l'épreuve de la conduite, ce "head-up display" devient vite indispensable et permet de ne plus quitter la route des yeux.



Un loup déguisé en agneau

Ce mélange étonnant donne un résultat assez unique dans la catégorie. Inutile de jouer sur les rapports pour relancer le 8 cylindres. Ce "small block", cubant tout de même 6 litres, se révèle aussi doux lors d'une balade en bord de mer que furieux lorsque le pied enfonce la pédale de droite. A allure soutenue, sur route sinueuse et dotée d'un asphalte glissant, les assistances électroniques ne chôment pas pour maîtriser les dérobades du train arrière en sortie de virage. Sur un meilleur revêtement, la Corvette se montre moins sauvage et beaucoup plus efficace. La vitesse de croisière sur nationales s'établit d'une façon naturelle à un niveau suffisant pour mener à l'agonie un permis de conduire en parfaite santé. Et tout ceci dans une atmosphère de sérénité. La boîte 6 vitesses Tremec se révèle ferme. Si elle nécessite de décomposer ses mouvements pour monter et descendre les rapports, l'habitude s'acquiert rapidement. Le kit performance Z51 disponible en option sur l'ancien modèle figure maintenant au chapitre des équipements de série. Un tarage plus incisif des amortisseurs et des ressorts, des barres antiroulis de plus fort calibre, des disques de freins perforés de diamètre supérieur et un étagement spécifique des rapports confèrent un caractère encore plus sportif à la voiture, particulièrement perceptible lors des dépassements. Un filet de gaz suffit d'ailleurs pour doubler et le conducteur peut solliciter plus vivement la voiture pour apprécier l'accélération et le son caractéristique du V8 américain sans dépasser les limitations de vitesse. Un grondement rauque envahit alors l'habitacle, mais il faut déjà couper son élan pour rester dans la légalité. Sur circuit, la Corvette démontre un potentiel intéressant et pardonne beaucoup lorsque ses assistances électroniques veillent. Sans correcteur de trajectoire ni antipatinage, le pilotage devient nettement plus pointu, ce qui ravira les amateurs de sportives. Selon Dave Hill, directeur de la gamme des véhicules hautes performances de GM, "la philosophie de notre correcteur de trajectoire actif consiste à permettre au conducteur de piloter son véhicule au plus près de ses limites sans interférer avec son plaisir de conduire. Notre but était d'encourager les conducteurs de Corvette à laisser le système activé. Nous avons voulu que le correcteur de trajectoire accompagne le conducteur dans son pilotage dynamique plutôt qu'il ne le contre". Sûr de son produit, le constructeur annonce des performances élevées pour une consommation maîtrisée. Même s'il n'a pas été possible de vérifier ces mesures, les 4,1 secondes revendiquées pour le 0 à 100 km/h et les 300 km/h assumés en vitesse de pointe paraissent un peu optimistes. En revanche, l'appétit de la bête reste raisonnable pour la catégorie même si, là encore, les 11,7 litres de consommation en cycle mixte affichés officiellement tournent plutôt autour des 15,5 litres. Une telle valeur reste cependant inférieure aux quantités englouties par une bonne partie des concurrentes transalpines. Mais justement, quelles sont ces concurrentes ?



Une Corvette entre deux catégories de voitures de luxe

Grâce à son prix compétitif et ses performances élevées, la Corvette se situe entre deux gammes. Trop puissante pour une Porsche Boxster, mais de prix équivalent lorsque celle-ci se pare d'options courantes, son niveau de performances la place au niveau des Maserati Coupé et Jaguar XKR, plus chères de 40 000 euros. Si en termes de tarifs et de performances sa concurrente la plus directe semble être la Porsche 911 S, l'acheteur potentiel se tromperait en comparant ces deux voitures tant les sensations au volant sont différentes. Le caractère spécifique de l'américaine la rapprocherait davantage de la GT au trident, même s'il lui confère une place à part dans la catégorie. La C6 élargit ainsi l'offre disponible sur le segment des voitures de sport et les 2 000 clients européens attendus par le constructeur devraient tomber assez facilement sous le charme de ce mythe américain à l'accent de plus en plus européen.



Frédéric Marty






ZOOM

Un objectif de 25 points de vente en France fin 2005


General Motors vient de réorganiser ses marques en Europe avant l'arrivée de Chevrolet sur le Vieux Continent. Corvette devient donc une marque à part entière distribuée aux côtés de Cadillac pour ne pas gêner le positionnement de Chevrolet sur le segment des voitures d'entrée de gamme. Lors du rachat de Daewoo, le géant américain n'a en effet acquis que sa branche automobile, composée d'usines et de modèles déjà commercialisés. Le nom reste la propriété de la société coréenne qui continue à produire des appareils électroniques. En France, les objectifs de ventes pour la Corvette s'établissent à 150 unités pour l'année 2005. Conscient de l'insuffisance de son réseau dans l'Hexagone, le constructeur américain veut passer de 8 points de vente actuellement à 25 à la mi-2006.

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