S'abonner
Constructeurs

BMW Hydrogen 7 : Lobbying mobile

Publié le 21 décembre 2007

Par Christophe Jaussaud
8 min de lecture
Après plus de 25 ans de travaux sur la question, BMW démontre, avec l'Hydrogen 7, que produire en série, même petite, et rouler avec un véhicule fonctionnant à l'hydrogène n'est plus une utopie même si toutes les difficultés ne sont pas résolues.Miramas-Shanghai....

...Bien que ces deux villes n'aient strictement rien à voir, pendant quelques jours, elles ont eu un point commun : la BMW Hydrogen 7. En effet, si la ville chinoise a accueilli le Challenge Bibendum et sa kyrielle de "voitures propres", dont une Hydrogen 7, quelques jours plus tôt, une partie de la presse européenne mais aussi des leaders d'opinion et politiciens français avaient fait le voyage à Miramas, sur la base d'essais privés du constructeur munichois, située à une encablure de l'aéroport de Marseille-Provence, pour prendre le volant d'une vingtaine de BMW fonctionnant à l'hydrogène. Un choix technologique faisant partie du programme Efficient Dynamics. Un programme "iceberg" avec aujourd'hui seulement une petite partie visible dans les showrooms. En effet, en plus du stop&start ou de la récupération d'énergie, il précise également les travaux du constructeur à moyen et long terme. Ainsi, si la prochaine étape est l'hybridation, qui fera son entrée sur le X6, il ne faut pas oublier le volet Clean Energy qui regroupe les travaux sur l'hydrogène. Et cela fait 25 ans que les ingénieurs bavarois travaillent sur le sujet.

Une Série 3 totalement pensée pour l'hydrogène d'ici 6 ans

Cette Hydrogen 7 est la 6e génération de véhicule fonctionnant à l'hydrogène. Mais à la grande différence des précédentes, celle-ci a été produite à 100 exemplaires sur les chaînes de l'usine de Dingolfing parmi les Série 7, 6 ou 5 "normales". BMW a voulu démontrer que la production en série n'était plus vraiment un problème, tout en respectant les critères de qualité et de sécurité que s'impose la marque. Et à l'usage, on peut affirmer que le contrat est rempli car on roule avec cette Hydrogen 7 comme avec le reste de la gamme 7. Un bouton sur le volant offre simplement la possibilité de passer d'un carburant à l'autre. La seule différence se fait à l'oreille car en mode hydrogène la mécanique est légèrement plus bruyante. La raison ? Contrairement à l'essence qui est pulvérisée par des injecteurs directement dans la chambre de combustion, l'hydrogène, lui, arrive (en gaz) dans la tubulure d'admission. De ce fait, l'ouverture du conduit permettant au mélange de rejoindre la chambre génère logiquement plus de bruit. Le seul véritable changement demeure le réservoir qui réduit le coffre et a nécessité un léger réajustement de la banquette arrière. Un réservoir, pesant 220 kg, qui accueille 8 kg d'hydrogène liquide à -253°C et doit être capable de le conserver le plus longtemps à cette température. Pour cela, les parois en aluminium sont recouvertes de 70 couches d'un isolant issu de l'aéronautique. Pour imaginer ses capacités d'isolation, le constructeur affirme qu'une boule de neige placée à l'intérieur mettrait 13 années à fondre entièrement. Jean-Michel Vernier, l'un des ingénieurs sur ce projet, nous promet que la prochaine génération de BMW Hydrogen apportera de nouvelles réponses sur ce point. En effet, les équipes du constructeur planchent déjà sur une Série 3 Hydrogen qui aura le gros avantage d'avoir intégré les contraintes de ce carburant dès sa conception. Pas comme cette Série 7 qui a été adaptée. De nombreux éléments vont ainsi être modifiés sur ce concept qui devrait être une réalité d'ici 6 ans. Cette problématique du stockage aura disparu tout comme la perte de puissance, environ 30 %, que le V12 connaît ici. En effet, il offre seulement 260 chevaux et un couple de 390 Nm. Toutefois ces valeurs permettent une vitesse de pointe (bridée) de 230 km/h et d'effectuer le 0 à 100 km/h en 9,5 secondes. Le futur moteur de la Série 3 Hydrogen devrait être un 4 cylindres pensé pour l'hydrogène et fonctionnant seulement avec ce carburant. En plus d'offrir une puissance de plus de 300 chevaux, Jean-Michel Vernier affirme que cette mécanique pourra compter sur un couple supérieur à une mécanique Diesel tout en étant plus compacte et forcément plus légère. L'Hydrogen 3 est donc attendue de pied ferme et sera sans doute la dernière démonstration (2012-2013) de BMW avant une commercialisation plus large attendue à l'horizon 2020. Mais revenons à l'Hydrogen 7. Quel peut être le coût d'un tel véhicule ? Bien entendu, il n'y a pas eu de réponse directe. Cependant, le constructeur annonce que le coût permettant de transformer une Série 7 en Série 7 Hydrogen est proche de celui qui est nécessaire pour développer un break à partir d'une berline.

Une limousine de 2,5 tonnes rejetant 5 g de CO2/km

Le démarrage du véhicule s'effectue toujours en mode hydrogène afin de laisser monter en température le catalyseur pour qu'il soit totalement efficace. Et même le réservoir d'hydrogène vide, les gaz restants permettront ce démarrage. En effet, si les 8 kg d'hydrogène liquide stockés sont consommés et/ou ont disparu (phénomène de boil off, d'évaporation, le réservoir peut se vider seul en 9 jours), il restera toujours dans le réservoir 600 g d'hydrogène gazeux permettant théoriquement de démarrer 30 fois puisque seulement 20 g sont nécessaires à chaque départ. Avec ses 8 kg d'hydrogène, le modèle propose une autonomie de 200 km pendant lesquels 5 g de CO2 seront rejetés dans l'atmosphère. Les 74 litres du réservoir d'essence allongeront votre parcours de 500 km mais cette fois-ci en rejetant 332 g de CO2/km. Une bivalence aujourd'hui impérative car faire le plein d'hydrogène, pour l'heure, est franchement compliqué et même impossible en France ! Pourtant, BMW a noué un partenariat avec Total qui exploite déjà des stations en Europe mais aucune en France (voir encadré) car la distribution de l'hydrogène est interdite dans notre pays. Cependant, il ne faut pas désespérer, à condition bien sûr qu'un jour prochain les constructeurs français soient plus en pointe sur ce dossier et là, le lobbying sera sûrement plus efficace. Mais revenons à la distribution de ce carburant particulier. En un mot : un jeu d'enfant. Il suffit d'enclencher, puis de verrouiller une sorte de ravitailleur, comme en Formule 1 (cette connectique a notamment été standardisée avec Honda et GM) puis le plein d'hydrogène se fait automatiquement en 3 minutes environ. Outre ce problème de distribution, le carburant hydrogène doit encore éviter plusieurs écueils. En effet, la question de sa production reste pour l'heure posée. S'il peut être théoriquement obtenu grâce à des énergies renouvelables (éolien, biomasse…) ce n'est pas encore totalement le cas. Or, produire de l'hydrogène avec du GPL ou un autre dérivé du pétrole ne règle en rien le problème. Puis, il y a le coût encore élevé de ce carburant. En effet, il faut compter aujourd'hui 8 euros le kilo. Sachant que le réservoir peut en accueillir 8, la facture pour les 200 km est de 64 euros.

En attendant, pourquoi ne pas fabriquer de l'hydrogène à bord avec une pile à combustible ? BMW n'y croit pas. Enfin pas tout à fait. Pour Jean-Michel Vernier, une pile à combustible peut se montrer particulièrement efficace pour la fourniture d'électricité au véhicule mais pour la propulsion de celui-ci, rien ne vaut le moteur à combustion.

Photo : afin de promouvoir l'hydrogène, BMW a fait le choix de "prêter" ses 100 Hydrogen 7 à des ambassadeurs que l'on peut aussi bien rencontrer à Hollywood, qu'à Davos ou devant un ministère.

ZOOM

Total et l'hydrogène

  • Total, premier pétrolier français, ne peut pas implanter des systèmes de distribution d'hydrogène en France. C'est tout simplement interdit. Dommage, car notre fleuron aux 12 milliards d'euros de bénéfices, investit dans ce domaine en Europe. La Belgique mais aussi l'Allemagne ont déjà leurs pompes à hydrogène "françaises". En exagérant à peine, on pourrait dire qu'à l'échelle mondiale, les pompes à hydrogène sortent presque plus vite de terre que celles à Biocarburant en France ! En Californie, état d'un pays qui n'a pourtant pas signé les accords de Kyoto, il y avait 17 pompes au printemps dernier. Il y en aura 200 avant la fin de la décennie ! Retour en Allemagne, où Total a inauguré en mars 2007, à Munich, sa deuxième installation. En effet, après celle de Berlin servant à alimenter une flotte de bus (hydrogène gazeux) mais aussi les voitures (hydrogène liquide depuis 2006), la station munichoise est la première à utiliser une cuve souterraine d'hydrogène liquide. Pour un représentant de Total, l'hydrogène liquide est un parfait complément des produits pétroliers. De plus, le "boil off" (évaporation de l'hydrogène) permet d'alimenter une pile à combustible fournissant l'énergie à la station. Il ne faut pas désespérer, la loi changera sûrement en France et Total poursuit d'ailleurs ses investissements, notamment dans un pipeline européen, traversant la France, capable d'acheminer le précieux carburant.
  • Partager :

    Sur le même sujet

    Laisser un commentaire

    cross-circle