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Alfa 159 : Condamnée au succès

Publié le 1 juillet 2005

Par Christophe Jaussaud
11 min de lecture
L'Alfa 156 avait été, en 1997, le point de départ du nouvel Alfa Romeo ; 680 000 unités plus tard, elle passe la main à une 159 plus ambitieuse que jamais. La marque milanaise prend un pari risqué, mais nécessaire si elle veut changer de dimension. Munich, comme un clin d'œil ! C'est...

...en effet dans la capitale bavaroise, qui est aussi celle de BMW, qu'Alfa Romeo et son nouveau patron Karl-Heinz Kalbfell, un ex de BMW justement, ont choisi de lancer la 159. La Série 3 tout particulièrement et les allemandes en général sont bien dans la ligne de mire. Mais cette nouvelle Alfa doit surtout assurer la pérennité de la marque italienne. Voici l'objectif de Karl-Heinz Kalbfell : "Ma mission est de bâtir un futur plus solide, plus sûr, pour que notre marque soit économiquement forte afin que nous puissions ajouter de nouveaux chapitres à l'histoire formidable d'Alfa Romeo." "L'alternative émotionnelle" que représente la marque doit donc séduire un public plus large sur ses marchés historiques, mais aussi en conquérir de nouveaux. L'heure de l'internationalisation a sonné pour Alfa. Jusqu'ici, la marque au trèfle écoule 44 % de sa production en Italie, 46 % dans le reste de l'Europe, 9,7 % en Asie et 0,3 % en Amérique sur Sud. Une répartition qui fait dire au nouvel homme fort d'Alfa et de Maserati que le potentiel de croissance pour la marque est encore important. A ce rapide tour du monde d'Alfa manquent les Etats-Unis. Bien évidemment, la question a été posée. Alfa Romeo l'envisage forcément, mais pas dans l'immédiat car, pour ce faire, même avec l'aide de Maserati, la marque doit avoir les reins solides. "Il faudra en rediscuter dans deux ans", a même lancé Karl-Heinz Kalbfell. La 159 donnera, ou ne donnera pas, les moyens à Alfa Romeo de regarder plus loin.

Un design toujours aussi fort

De la 156, produite à plus de 680 000 unités depuis 1997, il ne reste plus qu'un faux air, cet esprit latin signé Giorgetto Giugiaro. Le designer turinois, en collaboration avec le "centro Stile" d'Alfa Romeo, a une nouvelle fois su faire évoluer une identité forte sans la dénaturer. D'aucuns penseront qu'il fallait une rupture, vu l'importance donnée au modèle, d'autres au contraire trouvent cette continuité rassurante. Mais il n'y a que sur ce point (et sur le moteur V6 sur lequel nous allons revenir) que le débat ancien/nouveau fait rage car, pour le reste, la 159 surclasse sa devancière. Déjà, elle inaugure la nouvelle plate-forme Premium de la marque, qui devait également être reprise par Saab avant qu'il n'abandonne le projet en 2002, et que l'on retrouvera sous le Brera et le Spider d'ici peu. Ensuite, cette berline est plus généreuse. Plus généreuse en dimension puisqu'elle ne gagne pas moins de 22,5 cm en longueur, 8,5 en largeur et 10,5 en hauteur. Plus généreuse en équipements, en prestations. En plus de huit airbags au chapitre de la sécurité passive et d'un nouveau châssis très rigide, comme bien souvent aujourd'hui, l'électronique a pris le pouvoir dans la gestion du comportement et d'une manière plus large dans la sécurité active. Impossible de tous les détailler, mais en plus du système de transmission intégrale Q4 qui intègre un Torsen C, la 159 dispose de l'ABS avec EBD, du VDC et autres ASR, HBA, Hill-holder ou MSR. Freinage, trajectoire, motricité, démarrage en cote, rien n'a été oublié ! Sous le capot, les choses sont plus simples avec six mécaniques, trois essences et trois Diesel, offrant des puissances allant de 120 à 260 ch.

Le V6 d'Arèse a tiré sa révérence

Un équilibre en nombre de motorisations qui ne se vérifiera pas dans les ventes. En effet, en Europe, les trois mécaniques JTDm devraient représenter plus de 70 % des ventes. Le 1,9 l, 8 soupapes, développant 120 ch vient ouvrir une gamme que le 2,4 l 20 soupapes vient clore avec ses 200 ch. Entre ces deux-là, une version 150 ch 16 soupapes devrait être le cœur de gamme. Ces trois mécaniques disposent du filtre à particules de série. Mais Alfa, pour qui le Diesel demeure vital, est aussi connue et a bâti sa réputation sur des mécaniques essences brillantes. Qu'en est-il ici ? Sur le papier, elles sont au rendez-vous. Avec des puissances affichant 160, 185 et 260 ch, la gamme essence a fière allure, d'autant que le package technologique de chacune d'entre elles est complet, comme en témoigne l'omniprésence de l'injection directe. Mais les alfistes "purs et durs" regretteront sans doute la disparition du fameux V6 3,2 l d'Arèse, le "Cœur Sportif" de la marque. Exit cette belle mécanique et ses envolées rageuses, il laisse place à un nouveau 3,2 l V6 de 260 ch (associé à la transmission Q4), plus moderne, plus propre, mais aussi plus linéaire, ne faisant pas forcément battre ce "cœur" si précieux. Cette mécanique d'origine GM, plus précisément Holden, la filiale australienne du géant américain, était cependant impérative d'un point de vue économique et environnemental. Un manque d'affinité avec les normes Euro IV et une production limitée à 6 000 unités annuelles en Italie, ont eu raison de cette mécanique devenue quasi mythique. Mais si le nouveau V6 est bel et bien mondial, les ingénieurs Alfa ont tenu à lui donner un esprit plus latin. De la même manière, les 4 cylindres (1,9 l JTS de 160 ch et le 2,2 JTS de 185 ch) en provenance d'Allemagne, via Opel, ont travaillé leur accent transalpin.

Un investissement d'un milliard d'euros !

Alfa Romeo veut donc consolider ses présences et conquérir de nouveaux marchés, comme l'a rappelé à l'envi Karl-Heinz Kalbfell. La marque, qui représente aujourd'hui environ 160 000 unités par an, souhaite atteindre une production de 300 000 à l'horizon 2010 ! C'est d'ailleurs la condition sine qua non pour une aventure américaine. La 159 revêt donc une importance toute particulière : son seul but est la croissance, d'autant que son coût de développement ne lui laisse guère d'autres choix ! En effet, avec un investissement d'un milliard d'euros, quand Fiat n'annonce "que" 500 millions d'euros pour la Croma, Alfa n'a pas droit à l'erreur. L'amortissement va être long, même avec l'arrivée des Brera et Spider qui reprennent cette plate-forme. De plus, la 159 dispose pour l'heure d'une capacité de production installée de 115 000 unités par an et toujours dans cette optique d'amortissement, il n'est pas prévu, pour l'heure, qu'une autre marque du groupe Fiat utilise cette plate-forme premium. La facture globale est donc salée et explique en partie, avec le marketing, des prix eux aussi plus "premium". En effet, la gamme essence s'étend de 25 500 à 46 000 euros et la Diesel débute à 26 000 euros pour culminer à 37 500 euros. Le 23 septembre prochain, la 159 sera dans les showrooms hexagonaux pour relever un formidable défi, mais très risqué.


Christophe Jaussaud





QUESTIONS À

Karl-Heinz Kalbfell, Administrateur délégué d'Alfa Romeo et Maserati.

"Le business automobile est toujours un business risqué"

Journal de l'Automobile. Quels ont été vos premiers sentiments en arrivant dans cette entreprise ?
Karl-Heinz Kalbfell. J'ai mûrement réfléchi avant de prendre cette décision. J'étais très intéressé par les compétences techniques de l'entreprise, puis j'y ai également découvert des hommes et des femmes très motivés et passionnés. Ensuite, d'un point de vue plus personnel, on n'efface pas une trentaine d'années passées dans l'automobile !


JA. Justement, vous avez travaillé chez BMW durant près de vingt ans, quelles sont les différences fondamentales entre ces deux entreprises ?
K-HK. Je dirais que les Italiens sont plus créatifs, mais cette différence est avant tout dans l'esprit. Un exemple : en Allemagne, les process sont plus lents et plus disciplinés. En Italie, j'ai rajeuni de 20 ans !


JA. Aujourd'hui, avec la 159, vous désirez faire passer un nouveau cap à Alfa Romeo, n'est-ce pas risqué ?
K-HK. Le business automobile est quoi qu'il arrive toujours un business risqué. La 159 sera l'un de nos vecteurs de croissance et pourra nous faire repousser nos limites commerciales territoriales. C'est un véritable défi pour nous. C'est aussi une chance et une opportunité. Aujourd'hui, les clients recherchent des produits différents, nous leur offrons une belle voiture italienne, mais ce n'est pas tout, la 159 est également un produit technologique et de qualité.


JA. Quel a été l'investissement nécessaire pour la 159 ?
K-HK. Un milliard d'euros a été nécessaire pour mener à bien ce projet. Il s'agit d'une somme importante, mais qui ne va pas empêcher Alfa Romeo de contribuer aux résultats du groupe dans le futur car nous travaillons sur un segment très important et très intéressant. De plus, nous avons donné à la 159 tous les éléments afin d'accroître nos ventes, notamment à l'international.






QUESTIONS À

Carlos Gomes, Directeur général Alfa Romeo en France.


"L'Alfa 159 bénéficiera de l'entretien gratuit pendant 3 ans"


Journal de l'Automobile. Quel bilan tirez-vous des cinq premiers mois de l'année ?
Carlos Gomes. Le début 2005 s'est avéré très positif pour Alfa Romeo avec les succès enregistrés par la nouvelle Alfa 147, particulièrement bien accueillie (3 869 voitures, soit + 37 % par rapport à 2004) et la poursuite de la réussite de l'Alfa GT (1 014 exemplaires en cinq mois pour un objectif de 1 850 sur l'ensemble de l'année). De plus, il faut noter que l'Alfa 156 est toujours appréciée (1 580 voitures), malgré l'annonce faite depuis mars de l'arrivée de l'Alfa 159. Au final, Alfa Romeo progresse de près de 15 % depuis le début de l'année (6 605 voitures et 0,73 % de part de marché), dépassant ainsi les objectifs initiaux pour cette période. L'arrivée de deux nouveaux modèles en 2005, l'Alfa 159 et le Brera, n'a pas créé de phénomène d'attentisme de la part du réseau, confirmant ainsi le dynamisme retrouvé d'Alfa Romeo en France. Ce pays est d'ailleurs celui où la marque enregistre les meilleurs résultats en Europe à ce jour.


JA. Quels sont vos objectifs avec cette nouvelle Alfa 159 ?
CG. L'Alfa 159 est une voiture totalement nouvelle qui doit nous permettre d'accélérer le renouveau de notre image et confirmer notre appartenance au marché des marques Premium. Le haut niveau de prestations de l'Alfa 159 doit également s'accompagner d'efforts importants de la part du réseau, tant au niveau de l'accueil de clients provenant très souvent d'autres marques que du service après-vente. Pour cette année, compte tenu de la commercialisation désormais fixée au 23 septembre, nous visons les 1 500 immatriculations. En 2006, avec l'arrivée du Sportwagon et des transmissions automatiques, nous pensons atteindre 7 500 voitures.


JA. Votre réseau est-il prêt pour les nouvelles ambitions de la marque ?
CG. Avec 170 points de vente, Alfa Romeo bénéficie désormais d'une couverture efficace du territoire. Il reste néanmoins quelques régions importantes à couvrir (notamment dans le sud de Paris, Nice ou dans le Pas-de-Calais), mais nous devrions arriver à trouver les opérateurs appropriés prochainement. A noter que, pour accompagner la montée en puissance d'Alfa Romeo au niveau du produit, nous travaillons sur un plan de nouvelle identification de notre réseau, plus moderne et valorisant vis-à-vis des nouveaux clients. A la fin de l'année, 70 points de vente bénéficieront déjà de cette nouvelle identité avec plus de 25 000 m2 de surfaces rénovés. Par ailleurs, l'Alfa 159 bénéficiera de la gratuité de la maintenance pendant trois ans ou 120 000 km. Il s'agit d'un avantage inédit pour le client, qui s'accompagnera d'un ensemble de services financiers complets et d'extension de garantie Alfa Zenium dont la durée et le kilométrage sont variables. Nous avons également travaillé sur le plan du VO, avec l'ouverture du nouveau site www.alfaromeo-occasions.fr qui offre un choix de plus de 800 véhicules aux internautes et permet de fluidifier les stocks en concession. Enfin, les hommes, avec des programmes de formation particulièrement adaptés pour l'ensemble de nos commerciaux et TEC, qui nous permettront de renforcer la qualité d'accueil et de prestations de notre marque, désormais davantage tournée vers le client. L'ensemble de ces actions nous permet d'envisager avec sérénité le futur et la rentabilité de notre réseau qui devrait dans l'ensemble s'améliorer grâce à la hausse du CA découlant de la commercialisation de la toute nouvelle plateforme Premium (Alfa 159 berline, Alfa 159 SW, Alfa Brera et Alfa Spider). Nous travaillons d'ailleurs en total partenariat avec notre réseau comme le prouve la 8e place de la marque dans le Dealer Satisfaction Survey de 2004.

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